Cela
fait longtemps que je n'avais pas écrit ici. Pas le temps, pas
envie, impression de n'avoir rien de neuf à dire… Sans doute un
peu tout cela à la fois. Mais à midi, en terminant la lecture de ce petit livre, j'ai eu envie de m'y remettre, parce que ce
livre-témoignage a eu un profond écho en moi.
En
particulier deux aspects que l'auteur évoque :
« Mère
et consacrée » et « Les dons de la grâce donnés par Dieu »,
en particulier les « moyens nécessaires ».
La
maternité est une vocation. Tout comme la prêtrise, le mariage ou
la vie religieuse. Pendant longtemps, je me suis dit que la plus
haute vocation, pour une femme, c'était d'être religieuse,
entièrement donnée à Dieu, avec tout le temps disponible pour être
« branchée » en direct sur Lui par la prière. J'y
voyais une opposition avec la vie d'épouse et de mère, comme si
cette vie maritale était un pis-aller pour celles qui ne pouvaient
supporter de vivre seules, sans homme, et ne pouvaient renoncer aux
« plaisirs de la chair », comme on dit souvent.
C'est
ma rencontre avec une amie très croyante, quelques jours après
« la » rencontre avec celui qui allait devenir mon mari,
qui a tout changé en moi. Je l'ai déjà dit dans un autre billet,
mais cette phrase (« Le mariage est aussi une vocation »)
a balayé tous mes doutes en un quart de seconde, alors même que ces
mots, en eux-mêmes, ne réglaient en rien ma question à ce
moment-là. En effet, la question, c'était « À quoi Dieu
m'appelle-t-il ? Au mariage ou à la vie religieuse ? »
Mais il faut croire que le seul frein que j'avais par rapport au
mariage, c'était que je le voyais comme une solution de secours pour
ceux et celles qui n'étaient pas assez forts spirituellement pour
embrasser la vie consacrée.
Des
années après, en fait en juillet 2014, lors d'une formation à la
théologie du corps de Jean-Paul II, j'ai commencé à percevoir en
quoi le mariage est une vocation et, surtout, sa beauté.
Pour
en revenir à ce livre d'Isabelle Laurent, elle y parle de la
rencontre avec Christian, son mari, et de l'évidente évidence qui
s'est emparée d'elle à ce moment-là. J'ai eu l'impression, en
lisant ces lignes, de lire une version alternative de ma propre
histoire, parce que j'ai, moi aussi, senti qu'il n'y avait rien
d'autre à faire que de dire « oui ». Que c'était
Jean-Luc et personne d'autre et que le Seigneur me confiait à lui,
tout en me le confiant à moi, pour notre bonheur à tous les deux.
D'où, d'ailleurs, mon désarroi quelques jours plus tard quand tous
ces signes contradictoires sont venus perturber ma logique et mes
certitudes...
Alors
après, nous avons obéi à ce qui nous était demandé et avons
entamé la préparation au mariage proposée par notre paroisse. Et
c'est là que j'ai compris le décalage. Au CPM (Centre de
Préparation au Mariage) et dans toutes les autres préparations au
mariage, on insiste sur le dialogue, l'apprentissage de la
connaissance de l'autre, le discernement, le temps à s'accorder et à
accorder au couple pour pouvoir dire « oui », « librement
et sans contraintes » le jour « J ». Pour ma part,
c'était tellement évident que c'était lui que je ne voyais même
pas l'intérêt de me poser la question. Par ailleurs, le décalage
était aussi flagrant avec les autres couples de fiancés qui se
posaient des tas de questions, avaient besoin de s'éprouver et
d'éprouver leur amour par la vie commune avant le mariage… À un
moment, j'ai pensé que nous étions fous. Fous parce que ça allait
très vite (un mois entre le jour de la rencontre et le jour où nous
avons fixé la date du mariage, oui, c'est possible : nous
l'avons fait !), fous aussi parce que nous étions, nous nous
sentions différents. Chaque histoire, chaque couple est unique et
beau dans son unicité. Pour nous, c'était un savant mélange de
saut sans filet, d'inconscience totale de ce qui nous attendait et de
confiance absolue en l'autre et en l'Autre.
Parce
qu'il était très clair dès le départ que notre couple ne se
serait jamais construit par notre seule volonté, il était évident
pour Jean-Luc comme pour moi que notre couple était voulu par Dieu,
qu'Il avait un plan pour chacun d'entre nous, mais aussi pour nous
deux en tant que couple.
C'est
pour cette raison que je pense qu'il est fondamental d'être
« branché » sur Dieu. Parce que Dieu nous aime et nous
veut heureux. De cela, je suis absolument certaine. Et en plus, Dieu
connaît intimement chacun d'entre nous. Il sait donc exactement ce
dont j'ai besoin et qui, sur cette terre, est susceptible de m'aimer
assez pour faire le pari complètement délirant de passer avec moi
le reste de sa vie, « pour le meilleur et pour le pire ».
Très honnêtement, plus de 14 ans après, je m'émerveille encore du
« Oui » de Jean-Luc…
Donc,
il y a une chose très simple à faire pour être heureux : s'en
remettre à Dieu. S'abandonner à Sa volonté, Lui laisser les rênes.
Cela suppose de mettre son ego, son orgueil et sa propre volonté
directement aux oubliettes. Parce que si je laisse Dieu prendre les
rênes, alors je dois Lui faire confiance et Le laisser me guider
toute ma vie, y compris sans rien comprendre et là où ma propre
volonté humaine ne voudrait pas que j'aille. Et, finalement, c'est
sans doute cela qui est le plus difficile : Lui faire une
confiance absolue et se laisser conduire. C'est l'une des choses les
plus difficiles parce qu'il est parfaitement humain de vouloir
choisir dans sa vie, de vouloir conduire sa propre destinée. C'est
d'ailleurs dans tous les magazines : comment être acteur de sa
propre vie ? M'accomplir en tant qu'adulte ? Etc. Cela me
fait beaucoup penser aux discours des psys de comptoir : il faut
prendre son destin en main, ne pas laisser les événements décider
à notre place, j'en passe et des meilleures. Ce que j'ai
expérimenté, pour ma part, c'est tout le contraire : les
meilleurs choix que j'ai fait, ce sont ceux où je me suis abandonnée
à la volonté de Dieu… Ce sont les choix qui ont été les plus
difficiles à faire, mais aussi ceux qui me rendent heureuse le plus
durablement, parce qu'ils sont fondés sur le roc : Dieu
lui-même. Dieu ne peut pas se tromper. Donc si je le laisse faire,
il n'y a aucune raison qu'Il m'envoie dans le mur… et pourtant, ma
propre volonté résiste si souvent !
L'autre
aspect de ce livre qui m'a touchée, parce qu'il me conforte dans mes
choix, ce sont ces quelques pages sur les moyens nécessaires. Là,
l'auteur parle clairement des moyens matériels. Élever neuf
enfants, ce n'est possible que si l'un des deux seulement travaille
et qu'il a un revenu suffisant pour assurer la subsistance de onze
personnes.
Mais
ce qui m'a frappée, c'est que là où le monde dit : « Ils
peuvent avoir des enfants, ils ont les moyens de les nourrir. »,
l'auteur dit : « Je suis persuadée que c'est parce que
nous avons des enfants, que nous avons les moyens de les nourrir.
Nous ne gagnerions pas autant avec moins d'enfants. Le Seigneur nous
connaît, il savait dès le départ que nous dirions « oui »
à la vie. Il nous a donc aidés à trouver l'endroit pour nous
installer avec les personnes adéquates avec qui nous associer »
(p. 124).
Cette
manière de voir les choses me conforte dans les choix que nous avons
faits. Lorsque j'ai réfléchi avec Jean-Luc au retrait du stérilet
que je portais, la première question qui se posait pour nous était
de savoir ce que nous ferions dans l'hypothèse d'une nouvelle
grossesse. Pour les trois aînés, il me paraissait impossible
d'arrêter de travailler. Bizarrement, en 2011-2012, alors que,
professionnellement, les choses devenaient plus intéressantes pour
moi, l'hypothèse d'une nouvelle grossesse s'est immédiatement
accompagnée de la nécessité d'arrêter de travailler. En effet, la
situation professionnelle de Jean-Luc avait beaucoup évolué depuis
les naissances de nos trois premiers enfants. De salarié à
mi-temps, il était devenu chef d'entreprise avec de nombreux
déplacements qui l'empêcheraient à l'avenir de faire avec un
nouvel enfant ce qu'il avait pu faire avec nos trois aînés :
s'occuper de lui à mi-temps. Mais bizarrement, quand il m'a demandé
« Qu'est-ce que tu feras si tu es à nouveau enceinte ? »
j'ai immédiatement répondu « je vais le garder, bien sûr ! »,
tout en étant très étonnée qu'il pose la question, sachant que
l'avortement, pour lui comme pour moi, n'était pas et n'avait jamais
été une option. Il a donc du préciser sa question : « Mais
après la naissance ? Parce que moi, je ne pourrai pas m'en
occuper ! » Et j'ai été à la fois rassurée parce que
la réponse était évidente et simple pour moi (« Ben j'arrête de
travailler, bien sûr ! ») et confondue par ma propre
bêtise d'avoir pu imaginer que mon mari avait pu ne serait-ce que
penser une seconde à l'avortement…
Bref.
Louise-Marie est arrivée et je suis en congé parental, jusqu'au 4
juin 2016. Mais il est évident pour moi que ce « congé »
va être prolongé. Maintenant, avec le recul de deux ans, je sais
qu'il ne serait pas raisonnable pour notre famille que je reprenne le
travail. Je sais que ça peut paraître paradoxal parce que nous
n'aurons donc plus qu'un salaire alors que nous avons souvent du mal
à joindre les deux bouts… Mais ma présence à la maison fait du
bien aux enfants parce que c'est là qu'est ma place, tout
simplement. J'ai beaucoup aimé travailler. Je n'ai que très peu de
mauvais souvenirs de ces quinze années. Mais il font partie du
passé, un passé désormais révolu parce que ma place, aujourd'hui
et pour les prochaines années, est auprès des enfants que le
Seigneur nous a confiés.
En
fait, Dieu nous les a confiés à nous, Amélie et Jean-Luc, parce
que c'est nous qui sommes seuls capables, avec son aide, de les
comprendre et de les guider vers Lui pour qu'ils ne se perdent pas
sur les chemins du monde. Déléguer leur éducation, les soins à
leur apporter, fût-ce à des personnes qualifiées et rémunérées
pour cela n'est plus une option acceptable pour moi. Le principal,
maintenant, le plus important pour nous, c'est de les élever dans
l'amour et la connaissance de Dieu. Donc dans l'amour de leurs
frères, les autres êtres humains, puisque le Christ a énoncé ce
commandement comme étant semblable au premier des Dix Commandements
de la Loi de Moïse :
« Tu
aimeras ton prochain comme toi-même ».
Rien
n'est donc plus important que d'élever les enfants dans l'amour de
Dieu et du prochain. À cette mission primordiale s'ajoute celle qui
en découle directement : aider nos enfants à devenir des
adultes debout, heureux et responsables, peu importe le chemin que
nous avons rêvé pour eux. Leur chemin sera sûrement différent de
celui que nous avons balisé. Mais s'ils gardent l'essentiel, à
savoir l'amour de Dieu et du prochain, alors le Père les rejoindra
sur ce qui sera leur propre chemin et alors ils seront heureux et
sauvés.
Alors,
bien sûr, il y a la question financière. Étrangement, ce
« problème » me pose moins de soucis que de savoir si
rester à long terme à la maison m'ira et me satisfera. Parce que
nous avons expérimenté, Jean-Luc et moi, la sollicitude du Seigneur
pour nous. Malgré les ennuis financiers, les baisses de revenus
liées au temps partiel ou à l'arrêt du travail, nous avons
toujours eu largement de quoi nourrir nos enfants, de quoi les vêtir,
les loger… Dieu s'occupe de nous dans les moindres détails, pour
peu, une fois de plus, qu'on Lui laisse le champ libre et qu'on lui
permette, finalement, de s'occuper de nous, justement. Étrange
liberté...
La
maternité est une vocation. Ce n'est pas un métier. D'ailleurs, ce
n'est pas payé et c'est très peu reconnu. À l'heure de la
contraception et de l'avortement pour toutes, c'est même assez mal
compris d'être mère de plus de trois enfants. Dans notre entourage,
heureusement, beaucoup de personnes ayant la foi nous comprennent et
vivent aussi les joies des grandes familles. Malgré tout, la
maternité est, tout comme la vocation religieuse ou la prêtrise,
une vocation indispensable à notre monde. Petit à petit, je
m'approche du Sens de ce terme qu'employait le Saint Pape Jean-Paul
II à propos des femmes qu'il appelait les « Sentinelles de
l'Invisible ». Et j'aime bien cette idée de veiller, dans
l'ombre, à l'éclosion de nouvelles vies et d'aider Dieu à leur
épanouissement et à leur bonheur en Lui. C'est ça, finalement, la
maternité. Avec le secours de la grâce de Dieu et l'exemple de
Marie, LA mère par excellence. Mettre au monde des enfants et les
entourer d'amour, de cet amour imparfait à la manière humaine mais
qui est sans doute ce qu'il y a de plus proche de l'amour du Père
pour chacun de ses enfants. On pourrait d'ailleurs en dire autant de
la paternité. Un jour, il faudra quand même que j'en parle ici !