Blog d'humeurs,
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On pourrait le qualifier de "fourre-tout",
je préfère le penser... à mon image :
complexe, éclectique, et forcément fait d'un peu de tout.

samedi 28 mars 2020

Foi et Covid-19 #2

Je me remets à écrire ici... comme si le confinement changeait tout. Et d'ailleurs, il change tout. Ou plutôt, la pandémie, la situation exceptionnelle que nous vivons est totalement différente de ce que nous avons l'habitude de vivre, qui fait notre quotidien, au point que nous trouvons normales des situations qui ne le sont pas, ou qui ne le sont pas pour tout le monde.

En ce moment, par exemple, je découvre la pénurie. Pénurie dans les magasins. Oh, rassurez-vous, nous ne mourrons pas de faim, c'est impossible. Mais les produits que j'ai l'habitude d'acheter en supermarché, par exemple, ne sont pas toujours présents, parce que les systèmes de distribution sont perturbés.
Pour les produits frais, par exemple, le magasin n'a tout simplement pas été livré en fin de semaine dernière, parce que la plupart des fruits et légumes viennent d'Espagne et d'Italie, deux pays gravement touchés par le Covid-19 et totalement confinés. Donc les marchandises n'arrivent plus chez nous, bien sûr. Ou au compte-goutte, de manière temporaire ou plus durable.
Alors j'apprends à découvrir d'autres produits, à chercher par quoi remplacer... Parfois c'est mieux, parfois c'est plus cher, parfois moins, parfois c'est moins bon, parfois il faudra attendre une autre semaine que le produit soit à nouveau disponible. En attendant, je peux prendre carrément autre chose, ou bien me priver de ce que je voulais acheter et que j'achète par habitude.
Ou comment le Covid-19 me rappelle le jeûne...

Deuxième aspect de ce problème de pénurie : son corollaire, le rationnement. À la maison, nous mangeons beaucoup de fruits et de légumes. Et bien sûr, en période de pénurie, surtout de produits frais, il y en a moins. Alors nous sommes obligés d'apprendre à manger moins, aussi. Mercredi, les enfants voulaient manger des pommes caramélisées à la poêle, avec beurre, sucre et cannelle. En ce 25 mars, solennité de l'Annonciation, j'ai autorisé ce dessert plus festif que d'habitude. L'une de mes filles, qui aime particulièrement ce dessert, m'a demandé si elle pouvait manger une deuxième pomme. J'ai du refuser, pour que tout le monde, à la maison, puisse avoir assez de fruits jusqu'au prochain ravitaillement, deux jours plus tard.
Nous vivons, par habitude, dans un monde et un pays où il n'y a qu'à se rendre dans un supermarché quand il n'y a plus de fruits, de légumes, de pâtes ou de sauce tomate. Et là, brusquement, nous découvrons ahuris ce que des millions de personnes vivent au quotidien : l'accès à la nourriture, même s'il est facile dans notre pays, y compris en temps de confinement, n'est pas infini. La nourriture a besoin de soins, des mains des producteurs pour terminer dans nos assiettes. Elle a besoin du travail de l'agriculteur, de celui qui va récolter les fruits, les asperges et les pommes de terre. Et si cet agriculteur est tombé malade, ou si son tracteur est en panne et que la pièce manquante ne peut être montée parce qu'elle n'a pas pu être expédiée de Chine, où elle est fabriquée, l'accès à la nourriture produite par cet agriculteur va être plus compliqué.
Ou comment le Covid-19 me rappelle la tempérance...

Et puis, la crise que nous traversons ne vient certainement pas de nulle part. En novembre 2019, nos hôpitaux faisaient déjà face à une autre épidémie, celle de la bronchiolite, durant laquelle certains enfants ont dû être hospitalisés à plusieurs dizaines de kilomètres de leurs familles, faute de lits ou d'hôpitaux à proximité de chez eux. Et déjà, depuis plusieurs mois, depuis un an, en fait, les services d'urgences sont en grève pour réclamer du personnel, des moyens financiers, des lits, du matériel. Je m'en souviens parfaitement, parce que l'été dernier, avec mon mari, nous avons passé une après-midi entière avec notre fille à l'hôpital, en attente d'un médecin disponible pour réaliser une radiographie. Et encore, nous nous sommes estimés heureux de n'avoir pas trop attendu à l'époque. En plein mois d'août, nous n'avons patienté que trois heures dans la salle d'attente.
On peut déjà s'interroger sur les causes de la crise sanitaire que nous vivons. Son aspect le plus évident, c'est le manque de lits, de personnel, de matériel médical, de masques, d'équipements de protection (blouse, gel hydroalcoolique...). Pourquoi ?
Est-ce que nos hôpitaux ne savent pas gérer les stocks ? Est-ce qu'il n'y a plus assez de candidats aux professions médicales ? Est-ce qu'il n'y a pas assez de postes disponibles ? Les métiers du soin sont-ils trop durs physiquement ? moralement ? Nos soignants gagnent-ils bien et assez leur vie ?
On peut toujours gloser sur ces grands "pontes" des hôpitaux universitaires, qui gagnent largement de quoi vivre. Qu'en est-il du brancardier ? De l'infirmier ou de l'infirmière ? De l'aide-soignant(e) ? De l'interne ? Du ou de la secrétaire médical(e) chargé(e) d'accueillir les patients dans nos hôpitaux ?
On reparle beaucoup, en ce moment, de l'épidémie de grippe A H1N1 et des coups que Roselyne Bachelot a pu prendre quand elle a passé des commandes importantes de masques et de vaccins contre cette fameuse grippe. Face à un risque important d'épidémie, de morts, elle avait décidé de faire ce que n'ont plus jamais fait, depuis, nos responsables politiques : avoir les moyens de protéger la population face à un risque non négligeable d'épidémie.
À l'époque (et j'étais parmi ceux qui doutaient du bien fondé des décisions qu'elle avait prises), elle avait été vivement critiquée pour le coût financier de ces mesures de protection.
Et aujourd'hui, on voit où nous conduit la logique comptable qui fait office de politique de santé publique : le drame. Des milliers de morts dans le monde, plus de mille à l'heure où j'écris ces lignes, en France... des milliers de personnes en réanimation, des milliers aussi qui ne sont plus admis à l'hôpital parce que leurs chances de survies sont minimes et qu'il faut garder les respirateurs et les lits de réanimation pour les patients qui ont des chances de s'en sortir...
Ou comment le Covid-19 nous réapprend la valeur de la vie humaine...

J'ai entendu l'autre jour un scientifique, philosophe, qui commence à se faire connaître sur les réseaux sociaux. Je ne suis pas assez calée en sciences pour savoir si ce qu'il dit est valable, mais il a émis une théorie qui m'a interpellée, où il soutient que ce virus ne vient pas de nulle part. Le virus lui-même est apparu en Chine, il aurait pu sans doute apparaître ailleurs. La théorie de ce scientifique, c'est que de nouveaux virus, plus ou moins virulents, vont suivre celui-ci, parce que la destruction de notre environnement favorise une plus grande promiscuité entre les espèces. Ce virus existait sans doute déjà auparavant. Il n'est pas né en décembre 2019. Il est arrivé à ce moment-là, parce que le "lieu" où il était s'est retrouvé en contact avec l'être humain à un moment donné, en décembre 2019, alors que ce n'était le cas auparavant. Ce même scientifique soutient, preuves à l'appui, que la crise que nous traversons nous semblera bien légère dans quelques temps, quand nous serons au creux de la vague, puisque nous sommes en train de vivre, dans le silence et l'indifférence quasi-totale, la sixième extinction de masse à l'échelle planétaire...
Ou comment le Covid-19 nous rappelle que notre "maison commune" est en train de brûler et que nous ne faisons rien pour éteindre l'incendie...

Alors, me direz-vous, et la foi dans tout cela ? Parce que c'est plutôt alarmiste, comme tableau, non ?

Je vois, actuellement, des élans de solidarité impressionnants, de personnes qui ne sont pas malades et qui font les courses pour les familles du voisinage, dont des personnes âgées, qui ne peuvent plus sortir de chez elles.
Je vois des messages de solidarité, des applaudissements, des initiatives de commerçants à l'égard des soignants, des médecins, des malades.
Eux ont compris la valeur de la vie humaine et ne se trompent pas quand il s'agit de savoir vers qui ils doivent se tourner et qui remercier pour la préservation de cette vie. De leurs vies, tout simplement.
Je me dis, ce soir, que l'être humain, en cas de coup dur, est capable de bienveillance, de solidarité, d'humanité tout simplement. Capable aussi, bien sûr, d'égoïsme, de repli sur soi, de mensonge... afin de sauver sa propre vie.
En l'homme, il y a toujours du blanc et du noir. Nul n'échappe au péché. Et il n'est pas du tout dans mon intention de critiquer telle ou telle personne pour telle ou telle attitude. Oui, il y a des réactions stupides. Et pourtant, chacun est capable d'avoir une attitude digne et bienveillante, altruiste.

Alors la foi ?

Ce matin, vendredi 27 mars, je suis allée prier dans l'église que j'ai pour mission d'ouvrir tous les jours, afin qu'elle reste ouverte durant le confinement, pour permettre à ceux qui le souhaitent de pouvoir s'y rendre, à tout moment de la journée, au cours de leur promenade. J'ai d'abord vécu un beau temps de louange, une sorte de joie intérieure d'être simplement devant le tabernacle de l'église. Alors que nous n'avons plus de célébration eucharistique depuis le 14 mars, je vis douloureusement la privation des sacrements. Et aujourd'hui, j'ai fait en quelque sorte l'expérience de la joie simple et de la consolation, devant le tabernacle, fût-il fermé.
Puis j'ai vu un SMS d'une de mes amies, aide-soignante à l'hôpital de la ville voisine de mon village. Elle y décrivait ce qu'elle vivait, comme tous les soignants. Des situations dramatiques et des conditions de travail qui lui font craindre, faute de moyens pour se protéger et protéger les patients dont elle a la charge, d'être elle-même vecteur de contamination et de devoir sans doute affronter, avec ses collègues, une vague de décès des personnes hospitalisées, y compris pour autre chose, au départ, que le Covid-19.
J'ai ressenti alors une vague de détresse, de tristesse m'envahir, qui m'a invitée à me tourner vers Marie, seul recours face à ces situations difficiles, dramatiques, que vivent nos soignants.
La foi ne guérit pas, ne protège pas contre le virus, ce n'est pas une assurance tous risques face à la maladie ou aux divers drames qui émaillent nos vies quotidiennes. Et pour autant, elle est loin, très loin d'être inutile. J'ai eu l'image, ce matin, d'une ligne de front. A l'avant, en première ligne, les soignants, qui prennent de plein fouet, chez nous, en Alsace, en particulier, l'épidémie qui n'en finit pas de faire des victimes. À l'arrière, les habitants de ce pays, confinés dans leurs maisons, espérant que cela suffira pour éviter la propagation de la maladie, avec des chances de succès tout à fait aléatoires. Enfin, parmi eux, des hommes et des femmes, pas plus protégés contre ce fléau, qui invoquent le ciel, les anges, les saints, Marie, Dieu, qui implorent le Seigneur de faire cesser cette épidémie, ces morts... Qui implorent l'Esprit Saint d'aider les chercheurs, de leur donner un coup de pouce, une inspiration, une idée, afin qu'ils trouvent rapidement un traitement, un vaccin ou au moins quelque chose qui puisse aider à vaincre cette maladie.

Ceux qui ne sont pas croyants diront sans doute que tout cela ne sert à rien.
Peut-être.
Et peut-être pas.

Peut-être que, justement, la prière est le seul secours que nous pouvons encore trouver. Implorer Dieu alors qu'on l'a mis dehors, qu'on l'a "viré" manu militari de nos mairies, écoles, hôpitaux... n'est-ce pas un peu hypocrite ?
Pourtant, il y a tous ces récits, toutes ces histoires de guérisons, d'épidémies stoppées grâce à la prière, à l'intercession de Marie auprès du Père pour arrêter l'expansion d'une épidémie de peste... Et puis, tous n'ont pas "viré" Dieu de leur vie. Il reste la troisième ligne, celle des priants, qu'ils soient religieux et religieuses, moines et moniales, cloîtrés ou non, prêtres, laïcs... qui prient inlassablement pour le monde, pour la paix dans le monde, pour plus de justice...Cette ligne-là tient. Et ne fait pas, d'ailleurs, que prier. Elle participe à sa manière à l'"effort de guerre". Les religieuses, cloîtrées pour certaines, se sont mises à fabriquer des masques, en Italie comme en Espagne, par exemple.

Quand on vit une situation aussi dramatique, aussi traumatisante, il faut bien sûr trouver des médecins qui vont soigner les corps. Qui vont soulager les souffrances, donner de l'oxygène, aider.
Et face aux décès, aux détresses d'ordre non pas physique mais d'ordre spirituel, il faut aussi prendre soin de ceux qui souffrent, de ceux qui ont peur... On peut faire appel aux psychologues, bien sûr. Mais quand on entre en période de confinement, est-ce encore possible ?
C'est là que la foi, la prière peuvent jouer un grand rôle pour soutenir, aider, donner un autre sens. La prière se joue des murs, des distances, des confinements, du temps, des heures, des jours. Et elle est efficace, pour peu qu'on ait une once de confiance.

Où cela va-t-il nous amener ? Je n'en ai aucune idée.
Ce que je sais, c'est que, pour moi, la prière, la confiance en Dieu est un véritable réconfort. Oh je ne dis pas que si la situation venait à s'aggraver pour mes proches ou pour moi, je n'entrerais pas en véritable panique. Mais je garde l'espérance.
Ce qui arrive en ce moment est un drame, une catastrophe. Des centaines de morts chaque jour, en Italie, en France, en Espagne et partout ailleurs dans le monde. Plus de 170 pays atteints. Autant dire le monde entier.
Quel sens cela a-t-il ? Dieu peut-il être tenu pour responsable ? Certains justifient leur incroyance par le fait que Dieu ne devrait pas permettre de telles choses. Mais d'où viennent les problèmes, sinon de l'organisation humaine, de l'inconséquence de certaines politiques et prises de décisions ? Dieu peut-il réellement être tenu pour responsable quand une partie du problème vient du fait qu'il y a une pénurie de masques parce que, pour des raisons financières en grande partie, on n'a pas jugé utile de reconstituer des stocks suffisants ? Quand 80% des molécules de nos médicaments sont fabriqués en Chine pour des raisons d'économies ? Quand nos outils de production ont disparu parce que, toujours pour des questions d'argent, on a préféré délocaliser nos usines pour faire plus de profit ? Quand nos activités sont devenues internationales, multipliant les contacts, amplifiant les connexions, les importations d'insectes via les avions de ligne ou les conteneurs qui transportent biens et matériels sur tous les océans...

"Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l'argent", dit Jésus dans l’Évangile. Cette épidémie, pour ceux qui y survivront, est sûrement une occasion de changer radicalement notre manière de vivre. De stopper notre arrogance, notre sentiment de toute-puissance sur notre environnement, sur nos lieux de vie. De revenir à des modes de vie plus sains, plus sobres, moins gourmands en énergie... et plus respectueux de la vie humaine, tout simplement.
En ce temps de Carême exceptionnel, nous sommes appelés à la conversion. Se convertir, c'est se retourner, à 180°, changer radicalement de vie. Et quand on voit, aujourd'hui, la fragilité de la vie humaine, il est sans doute plus que temps d'opérer cette conversion, de vivre tout simplement autrement.
Et d'y inclure Dieu, aussi...

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