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je préfère le penser... à mon image :
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samedi 21 mars 2020

La foi à l'épreuve du Covid-19

Il y a un peu plus de dix jours, j'écrivais ici un billet de blog qui, rétrospectivement, me semble hallucinant de naïveté, d'incompréhension et de légèreté (je l'ai relu tout à l'heure, avant d'écrire celui-ci).
Depuis cinq jours maintenant, nous sommes passés à la phase de confinement, pas uniquement pour le Bas-Rhin, mais pour la France entière. Quand notre Président de la République a annoncé cette mesure, j'avoue avoir été à la fois rassurée et effarée. Rassurée, parce que cela semblait signifier que nos autorités avaient enfin pris la mesure du problème et décidé de prendre les choses au sérieux. Effarée aussi, parce qu'il me semble que c'était déjà bien trop tard pour prendre ce genre de mesures. Surtout dans un contexte où on nous dit en même temps de ne plus sortir de chez nous et d'aller voter.

Bref. L'objet de ce billet n'est absolument pas de fustiger le gouvernement, même s'il y aurait des choses à dire. Par exemple, sur le fait que le 15 du Bas-Rhin incitait à continuer à mener une vie normale, ce qui tend à montrer qu'à ce moment-là, la politique était de favoriser la fameuse immunité de groupe (1), celle qui permet à environ les deux tiers de la population de contracter la maladie et, pour ceux qui y survivront, de développer l'immunité spécifique à ce virus. Dans ce cas-là, il faut s'attendre à ce que la population tombe massivement malade, et donc avoir un système de santé capable d'absorber l'afflux des patients, donc avec suffisamment de personnel en bonne santé, de lits, de matériel de protection, de réanimateurs et de système respiratoires pour ne pas tous les condamner à une mort quasi certaine.
Sauf qu'en France, comme en Grande-Bretagne (où c'est la stratégie adoptée ouvertement par Boris Johnson, qui a fait machine arrière hier) et en Italie (où la situation est dramatique maintenant, dépassant en nombre de victimes le nombre de morts officiels de la Chine, avec une population nettement moins importante : 60 millions d'habitants en Italie, 1,3 milliards en Chine), la destruction massive des services de santé publique font que cette stratégie est suicidaire, puisque des personnes malades, qui pourraient être sauvées si les équipements étaient présents, ne le sont pas, faute de matériel...

Donc, maintenant, nous sommes confinés à la maison. Et mes projections naïves du 9 mars ont volé en éclats.
La réalité du confinement, c'est quatre enfants à la maison qu'il faut rassurer. Ce sont des symptômes divers et variés (maux de gorge, de dos, d'oreille, toux sèche ou grasse, fièvre ou pas, rhume qui vient et qui repart...). Tous ces symptômes sont temporaires, sans doute cycliques, pas graves en soi, mais dont on ne connaît ni ne maîtrise l'évolution dans le temps.
C'est aussi les angoisses des enfants face à l'engorgement d'Internet ("Maman ! Je n'arrive pas à me connecter à MBN (2) ! Comment je vais faire pour avoir les cours et les devoirs ?") et l'impossible accès aux ressources des enseignants, pourtant mises en ligne, quand il n'y a pas de bug, bien sûr.
C'est aussi l'école à la maison pour ma quatrième, en classe de CP, avec qui il est indispensable de rester durant tout le temps scolaire pour lui expliquer, lui réexpliquer, tenter de lui faire comprendre. Il faut être inventif quand on n'est pas enseignant, ou appeler des enseignants parmi les copains pour avoir des trucs pour contourner une difficulté.
Alors mes projets sont une fois de plus remis à plus tard. J'ai eu le temps de faire de la lessive et des tablettes pour le lave-vaisselle (parce qu'en 2019, j'ai décidé de réduire nos déchets, ce qui a été le cas d'ailleurs, puisque nous ne sortons la poubelle de recyclage qu'une fois par mois en moyenne et la poubelle des déchets non recyclables qu'une semaine sur deux). En revanche, je n'ai pas encore eu le temps de m'occuper des Tawashis. J'espère pouvoir profiter de ce premier week-end de confinement (où j'ai banni l'école !!!) pour me lancer.
Quant à mon roman, c'est pour l'instant de l'histoire ancienne, tant le quotidien est prenant.

Et la foi, dans tout ça ?

Ben ça aussi, c'est compliqué. D'abord parce qu'il n'y a plus de messe, ni en semaine, ni le dimanche. J'avais l'habitude d'y aller chaque fois que je pouvais, mais c'est terminé. Le premier dimanche, ça a été très bizarre. Le lundi 16, ça ne changeait rien, puisque c'est le jour de congé de nos prêtres, alors c'était comme d'habitude. Mais le mardi 17, jour du confinement, ça a été un peu plus dur.
J'ai la "mission", dans mon village, d'ouvrir l'église depuis le mois de novembre 2018, le matin. Or, cette mission, pour l'instant, est maintenue à la demande de l'archevêque, pour permettre aux gens du village de venir se recueillir dans la journée. Alors tous les matins, vers huit heures, je vais à l'église. J'y vais tôt pour que l'église soit ouverte le plus possible et aussi pour ne pas croiser trop de monde, confinement oblige. Et puis, huit heures, c'était l'heure à laquelle j'ouvrais, avant la fermeture des écoles le 16 mars, puisque j'y allais après avoir conduit ma fille à l'école. Donc j'essaie de garder le même rythme pour les gens du village.
Sauf que mardi, quand je me suis retrouvée seule devant l'autel, j'ai senti le manque. Manque de messe, de contacts, d'eucharistie, de salutations, de personnes, tout simplement. Je me suis tournée vers le tabernacle avec un sentiment étrange d'abandon. La communion, l'eucharistie, pour moi, c'est quelque chose de vraiment très important, une nourriture spirituelle encore plus importante que la nourriture terrestre. Or cette nourriture vient à manquer, non pas parce qu'elle n'est pas là (le tabernacle est là, les hosties consacrées y sont présentes) mais parce que la messe ne peut pas être dite. Il reste la communion spirituelle, et c'est ce que je découvre en ce moment. J'en reparlerai peut-être ici plus tard.
C'est compliqué aussi, parce que la situation inédite et difficile que nous vivons est anxiogène (surtout ici, en Alsace, où la situation sanitaire est vraiment très difficile) et invite plus au repli sur soi et à la colère et/ou l'accusation gratuite face à l'irresponsabilité de certains qu'à la bienveillance envers le prochain. Le confinement imposé est aussi un frein aux manifestations habituelles de solidarité et de soutien, qu'il faut du coup réinventer. Si, en ce moment, je suis plutôt bien portante, rien ne dit que je ne suis pas porteuse du virus. Je ne peux donc pas venir en aide à mes voisins et voisines âgés, puisqu'en venant chez eux, je risquerais de leur transmettre ce virus. Il faut donc contourner le problème, inventer d'autres moyens, parler aux voisins les plus proches par les fenêtres ouvertes, d'un jardin à l'autre ou depuis l'autre côté de la rue. De même, comme nous sommes potentiellement infectés, je découvre aussi le fait d'avoir besoin des autres. Habituellement, nous allons dans un village voisin, toutes les semaines, pour y acheter du beurre et du fromage. Juste à côté, il y a aussi notre AMAP, et nous y allons pour une autre famille, qui habite aussi le village, et parfois pour une troisième personne qui est infirmière et ne peut pas toujours se rendre sur place à cause de son travail.
Sauf que là, mercredi dernier, je me suis vue dans l'obligation de demander de l'aide. Demander à l'autre famille d'aller chercher beurre, fromage et légumes pour nous, par crainte de transmettre la maladie à ceux qui nous nourrissent au quotidien. Ce serait quand même le comble de les rendre malades !

Le manque de l'eucharistie, le besoin de l'autre et la demande humble d'un service essentiel à ceux qui peuvent nous le rendre.
Et puis, ce matin, toujours devant le tabernacle, je me suis rendu compte que mon cœur avait besoin d'être purifié pour que la rancœur, la rancune, la colère ne s'y installent pas. Tous ces sentiments négatifs sont présents quand je vois l'inconscience de certains, l'irresponsabilité d'autres qui ont profité du confinement pour aller se mettre "au vert" au bord de la mer ou à la campagne, avec le risque avéré de propager le virus, notamment dans les îles bretonnes, où les équipements sanitaires sont très faibles comparés à ceux qui existent sur le continent. Si ces personnes sont malades et transmettent le virus, il y a fort à parier que la situation là-bas va devenir très vite critique. La tentation est donc très grande de crier à l'irresponsabilité de ceux qui ont décidé de fuir la capitale et leur mini-appartement... ce qu'en plus, je peux comprendre, vu la réalité du confinement, surtout quand on a des enfants.
Seulement, si je laisse la colère ou la rancœur m'envahir, alors je risque fort de tomber dans la haine de mon prochain et le repli sur moi-même, la protection de mes proches uniquement, l'égoïsme et la déshumanisation. Or c'est justement le contraire du message évangélique, ça. Dans le Sermon sur la Montagne, Jésus le dit bien : "Aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous persécutent". Et mon ennemi, en ce moment, c'est potentiellement tout le monde, y compris mon mari ou mes enfants, d'ailleurs. Alors si Jésus me demande de prier pour eux, ce n'est pas optionnel, normalement. C'est donc une nouvelle manière de comprendre ma relation aux autres que je dois entamer. Surtout en ces temps difficiles. Et ça, il n'y a que par la prière que c'est possible.

Parce que la dernière chose que j'apprends en ce moment, c'est aussi que ma foi est vraiment très petite. C'est facile de croire, quand tout va bien, à la limite. C'est beaucoup plus compliqué de faire confiance en Dieu quand on ne comprend pas ce qui se passe, quand on est potentiellement en danger (soi-même ou nos plus proches, mari, enfants, amis, voisins)... Et pourtant, c'est ça, la foi, finalement : la confiance, l'abandon à la volonté de Dieu. Dur, dur.
Certains se demandent où est Dieu. Certains pensent que c'est Dieu lui-même qui a envoyé ce virus pour punir les hommes de saccager la planète qu'il nous a confiée. Où est Dieu ? Pourquoi ne nous vient-il pas en aide ? Pourquoi permet-il ces morts, par milliers, innocents, simples personnes s'étant trouvées là et ayant contracté le virus en vivant, simplement, aux côtés d'autres personnes ?
Où donc est Dieu, dans cette crise mondiale, sans doute la plus grave que le monde ait connue depuis la Seconde Guerre Mondiale ?
Où donc est Dieu ?

Et puis, il y a ces messages. D'un côté, ceux qui relaient l'égoïsme de certains, de l'autre, ceux qui montrent la bienveillance, l'altruisme, la reconnaissance, envers nos soignants, bien sûr, mais aussi envers les employés des services de ramassage des ordures, des supermarchés, envers les agriculteurs, ceux qui continuent de travailler pour que le pays continue à tourner, pour que nous n'ayons pas de problème d'approvisionnement, pour que nous ayons à manger tous les jours.

Pour moi, c'est tout simplement là qu'est Dieu. Il est dans ces personnes qui continuent à travailler chaque jour, pour soigner les malades, nourrir ceux qui sont encore debout mais confinés chez eux pour ne pas rendre encore plus de personnes malades. Il est dans ces policiers qui contrôlent sans relâche ceux qui sont dehors pour contrer cette épidémie qui se répand à une vitesse folle. Il est dans les applaudissements, bien dérisoires, que nous faisons résonner à nos fenêtres, à vingt heures, le soir, pour signifier à ceux qui sont en première ligne combien nous sommes reconnaissants des sacrifices qu'ils font pour nous. Il est, aussi, dans ceux qui recherchent activement des solutions pour combattre cette maladie : traitements, vaccin... Il est dans toutes ces initiatives que prennent nos prêtres pour continuer à garder le lien avec leurs paroissiens, dans ces bénédictions du haut des collines surplombant nos villes et nos villages, dans ces "drive-confessions" sur les parkings pour permettre à ceux qui le souhaitent de recevoir, en ce temps de Carême, le sacrement de la réconciliation depuis leur voiture, sans se mettre en danger ni mettre en danger le prêtre qui va recevoir leur confession et leur donner l'absolution de leurs péchés. Il est dans ces prêtres qui filment en direct les messes qu'ils célèbrent en privé pour que leurs paroissiens puissent prier avec eux.
Les êtres humains sont capables du pire. Mais ils sont capables aussi d'humanité, de bienveillance, de tendresse, même à travers un écran ou à distance. Ils sont porteurs d'espérance, de vie, de joie, de paix.

Seigneur, prends pitié de ton peuple, prends pitié de nous. Nous ne savons pas quelle est Ta volonté, mais nous savons qu'elle est bonne. Merci pour toutes ces marques de sympathie, de joie, de tendresse, de soutien, de bienveillance, d'humanité, d'amour. Donne courage à nos soignants et à tous ceux qui prennent soin de nous par leur travail quotidien. Donne courage aussi à nos dirigeants, afin qu'ils prennent les décisions indispensables afin de préserver le plus de vies possible dans la crise que nous traversons. Éclaire-nous, tous, par ton Esprit-Saint, afin que nous puissions tirer les leçons de cette crise et changer les comportements qui doivent l'être, afin de faire de ce monde un monde plus beau, plus juste, plus fraternel.
Et afin de nous tourner vers Toi, qui es notre Père et qui nous aime infiniment.
Seigneur, protège notre foi. Que nous ne lâchions jamais Ta main.
Amen.

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(1) Voir la vidéo suivante pour une excellente explication : https://www.youtube.com/watch?v=-FHBgWZ3IU0
(2) Pour Mon Bureau Numérique, la plate-forme internet de l'Education Nationale, qui permet aux enseignants et aux élèves, ainsi qu'à leurs parents, de communiquer plus simplement (messagerie sécurisée, envoi de documents, cahier de texte avec les devoirs, relevé des notes, etc.).

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