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jeudi 29 août 2019

La violence des réseaux sociaux... vraiment ?

Ce mercredi 28 août au matin, à la radio (vous savez, le flash-info de 7h00 à 7h02, suivi de la météo ?) m'a fait quelque peu bondir hors de mon lit (pourtant, je n'avais pas vraiment passé une bonne nuit, avec une belle insomnie comme il ne m'en était plus arrivé depuis des mois, mais c'est un autre sujet).
J'ai entendu ce matin-là le présentateur des infos qui disait, m'a-t-il semblé, qu'il fallait lutter contre la "violence des réseaux sociaux".

Soit. Je vois tout de suite à quoi il est fait allusion, là. Les "réseaux sociaux", c'est Twitter, Facebook, Instagram, Youtube, Whattsap, Snapchat et consorts. Ce sont des plate-formes internet par l'intermédiaire desquelles des personnes, qui se connaissent ou non dans la "vraie vie", entrent en contact les unes avec les autres et interagissent. Il est possible de retrouver des copains perdus de vue, ou des membres de la famille un peu éloignée (voire très éloignée aussi), d'organiser des rencontres, des événements, de partager des informations, des découvertes... etc. Vous connaissez le principe puisque, comme moi, je suppose que vous en utilisez au moins un.

Ce qui m'a fait bondir tout d'abord, c'est la question de leur "violence". Peut-on, en effet, parler de "violence" quand on parle d'un réseau social ? Un réseau social peut-il être violent par lui-même ?
Les outils, les instruments, ne sont "violents", à mon sens, que par l'usage qui en est fait. Je peux très bien utiliser Facebook ou Twitter pour rester en contact avec des personnes qui sont loin géographiquement, par exemple. Il n'y a là aucune "violence". Juste un "lien" entre des personnes. En revanche, je peux aussi utiliser Facebook ou Twitter pour organiser une manifestation qui pourra s'avérer violente ou tenir des propos violents contre l'un ou l'autre de mes contacts. 
C'est exactement la même chose que l'énergie atomique. Est-elle bonne ou mauvaise ? En soi, elle n'est ni bonne, ni mauvaise. Tout dépend de l'utilisation qu'on en fait. L'utiliser pour produire de l'électricité, en soit, c'est une bonne chose. Mais en faire des bombes est une utilisation bien plus discutable, il me semble...
La "violence des réseaux sociaux" n'est donc pas une réalité. La réalité de cette violence, c'est celle des utilisateurs de ces réseaux. Soit ils sont violents (en parole en premier lieu, dans leurs écrits, ou en actes si les réseaux les incitent à se rendre à une manifestation où ils vont faire preuve de violence par exemple), soit ils ne le sont pas (beaucoup de personnes tentent de discuter avec les autres sur un mode apaisé, nombre d'utilisateurs ne font que suivre une personne ou une autre sur Facebook, Instagram ou Twitter, par exemple). Mais ce ne sont pas les réseaux en eux-mêmes qui sont violents. Ce sont les usages que l'on en fait. Rien d'autre.

Alors on pourrait penser que le présentateur des infos voulait parler de la lutte contre la violence des utilisateurs des réseaux sociaux. Ce serait parfaitement logique, sain et normal. D'ailleurs, l'utilisation des réseaux sociaux en question suppose l'adhésion aux conditions d'utilisation qui prohibent l'incitation à la haine, la tenue de propos haineux, diffamatoires, antisémites, racistes, etc. C'est-à-dire que tout utilisateur d'un réseau social est tenu de respecter la loi, purement et simplement.
Pourtant, il faut bien avouer que sur les réseaux pullulent des commentaires qui, s'ils ne contiennent pas toujours des propos haineux, insultants ou diffamatoires en tant que tels, n'en sont pas moins violents pour autant. Si l'on peut regretter que certains n'aient que la violence verbale pour parvenir à s'exprimer, il convient toutefois de préciser que l'usage des réseaux, c'est comme n'importe quelle discussion en société : si on émet un avis en public, on se retrouve potentiellement face à des contradicteurs. Tout simplement parce qu'il y aura toujours quelqu'un qui ne sera pas d'accord avec ce que je dis publiquement. Et tant mieux ! Internet, c'est comme dans la vraie vie : ce n'est pas parce que j'écris derrière mon écran que ce que je dis reste privé. Au contraire. Tout ce qui est écrit ou dit sur Internet est potentiellement public, y compris sur des plateformes dites "privées"...

Le problème spécifique aux réseaux sociaux, c'est qu'on n'y intervient pas, en général, sous son propre nom. Et même si on le fait, il y a une distance indéniable qui s'instaure avec la personne que l'on suit ou à qui on répond, du fait même que le "contact" soit virtuel, par l'intermédiaire d'un écran d'ordinateur ou de smartphone. En clair, je ne dis pas vraiment la même chose à une personne que j'ai en face de moi qu'à une personne que je ne connais pas personnellement et à qui je ne fais que répondre suite à un propos qu'elle a pu tenir sur Internet. L'écran met une distance et une sorte de "protection" virtuelle entre les personnes qui fait qu'en général, on tient sur les réseaux des propos bien plus outranciers et moins policés que ce qu'ils seraient si la discussion avait lieu en face-à-face.

Les gouvernements se heurtent à cette question depuis longtemps, parce que depuis sa création, Internet est un espace extrêmement libre. Ce n'est pas un espace de non-droit, mais c'est un endroit où la liberté d'expression est fondamentale et facilitée par le fait que l'on peut s'inscrire sur un site hébergé dans un autre pays que celui où l'on réside.
Par exemple, la jeune pakistanaise Malala, Prix Nobel de la Paix, a longtemps écrit sur un blog hébergé en Angleterre et a, de ce fait, échappé à la censure des Talibans dans son pays, dont elle dénonçait la violence (réelle cette fois-ci) à l'égard de la population civile et en particulier des femmes. Le combat de Malala portait sur l'accès à l'éducation des filles, interdite au Pakistan par les Talibans au début des années 2000. Pour rappel, cette jeune fille, qui avait 17 ans en 2010, a été victime d'un attentat à la sortie du bus scolaire. Elle a été soignée en Angleterre, où elle vit depuis et continue son combat.

Tout cela pour dire que la liberté d'expression est une donnée fondamentale d'Internet et qu'il est donc forcément difficile d'interdire ou d'empêcher les propos violents.

Mais ce n'est pas tout. Ce que j'ai perçu dans ces quelques mots à sept heures du matin allait beaucoup plus loin que cette violence-là. Le raccourci fait par le journaliste était incroyable, puisqu'il semblait dire (je me trompe peut-être ?) qu'il fallait lutter contre la violence des réseaux sociaux, c'est-à-dire que les réseaux sociaux étaient responsables de l'atmosphère de violence qui règne dans notre pays. J'ai immédiatement pensé, bien sûr, aux Gilets Jaunes et aux Black Blocs, mais on pourrait penser aussi aux Printemps arabes, aux contestataires du G7 qui vient de se terminer à Biarritz, aux manifestants de Hong-Kong...

La question que je me suis posée, c'est "d'où vient réellement la violence ?"
Que ce soit les Gilets Jaunes, les manifestants de Hong-Kong ou les contestataires du G7, il est toujours question de manifestations, de personnes qui luttent pour qu'une situation insupportable de leur point de vue change. En cela, les réseaux sociaux n'ont rien inventé et ne sont en aucun cas responsables de cette violence. Sinon, Internet n'existant pas en Mai 1968, ni a fortiori en 1789, en 1830 ou en 1848, la France n'aurait pas connu tous ces soubresauts qui ont fait de notre pays celui qu'il est.
Alors, cette violence, elle vient d'où ?

J'ai une vague idée, là, comme ça.
Les inégalités ?
La fin des services publics ?
Les taxes ?
La hausse des prix de l'eau, du gaz, de l'électricité à cause, ou en dépit, de l'ouverture à la concurrence ?
La dégradation des conditions de travail dans les entreprises, les hôpitaux ?
Le grand n'importe quoi dans l'Education Nationale ?
La détérioration de l'offre alimentaire ?
La hausse des coûts de santé, due en partie au déremboursement des médicaments, de certains soins, au plus grand profit des mutuelles, laboratoires pharmaceutiques et autres compagnies d'assurances ou, plutôt, de leurs actionnaires ?
L'augmentation des maladies graves, chroniques, auto-immunes... qui saccagent la vie de nombreuses familles ?
L'utilisation d'armes de guerre dans les manifestations, provoquant de fait la remise en cause du droit de manifester, pourtant inscrit dans la loi ?

Avant de s'interroger sur la "violence des réseaux sociaux", qu'on pourrait expliciter en "la violence des utilisateurs des réseaux sociaux", il faudrait peut-être s'interroger sur la violence subie en France et dans le monde par les citoyens. Entre ceux qui se battent pour avoir simplement le droit d'aller à l'école, ou bien de pouvoir vivre décemment de leur travail, ou encore de simplement pouvoir garder leur travail, ceux qui défendent des idées et une vision du monde plus humaine, qui tentent d'attirer l'attention sur la dégradation du climat, qui dénoncent ceux qui disent une chose et font l'inverse... il y a de quoi être à cran, en effet.
Je ne suis pas en train de légitimer la violence des Black Blocs, loin de là. Mais je m'insurge quand j'entends qu'il faut lutter contre la violence des réseaux sociaux, parce que c'est un non-sens total. Et, surtout, il me semble que c'est encore une fois un moyen d'enfumage drôlement efficace. 
Parce qu'on a tous en tête les manifestations de la fin de l'année 2018 et du début de 2019, avec ces commerçants obligés de barricader leurs commerces sous peine de les voir saccagés toutes les semaines. Ou encore les tags et les propos racistes qui défigurent à la fois nos monuments et nos esprits.
Mais s'entêter, comme le fait notre gouvernement, à vouloir contrôler et circonscrire la violence de la rue à l'aide d'armes de guerre (les LBD sont quand même responsables de plusieurs milliers de blessures, de pas mal de mutilations et peut-être d'un décès, ce n'est pas rien !) sans remettre en question tout ce qui alimente et nourrit cette violence dans la société, c'est au mieux de l'incompétence, au pire de la malhonnêteté et du banditisme.

Pourtant, des solutions existent. Seulement, elles supposent de remettre le paquet sur les services publics, de s'affranchir des règles absurdes du libéralisme à tout crin, de redonner du travail aux Français en France, donc de relocaliser la production des produits que nous consommons, d'abandonner cette idéologie mortifère qui consiste à vouloir produire toujours plus de biens dont nous n'avons pas besoin... En bref, un peu (beaucoup !) de modération dans nos achats, plus de redistribution des gains des grandes entreprises au profit des employés et non plus seulement des actionnaires, plus de justice sociale et fiscale, pour ne citer que quelques idées en vrac, ça réglerait déjà quelques petits problèmes et ferait sérieusement baisser le niveau d'énervement dans notre pays.
Mais bon, on en est loin. Parce qu'il faudrait savoir qui tire les ficelles en réalité. Quand j'ai appris qu'aux Etats-Unis, il y avait plus de lobbyistes que d'hommes politiques, je me suis dit que, malheureusement, on n'était pas rendus... comme on dit en Bretagne !