Sur Facebook
(encore !), une de mes collègues m'a envoyé l'information suivante
: France 5 a diffusé le 2 avril dernier (mardi soir) un r
eportage de52 minutes sur le mariage pour tous, ou plutôt sur les enfants au
sein des familles homoparentales.
Merci Sylvie
pour l'information, je me suis bien entendu empressée de visionner
ce reportage. Ma connexion internet a planté à la 39e minutes, mais
c'est sans importance, tant le message délivré par ce reportage est
clair et limpide.
Il FAUT
légaliser la situation de ces enfants !!! C'est une évidence bien
sûr !
Bon alors
au-delà du message lui-même (sans équivoque), je vais quand même
tenter, malgré les 11 minutes qui manquent à mon visionnage, de
décrypter ce que j'ai vu dans ce documentaire, parce que c'est quand
même très intéressant d'y réfléchir à tête reposée.
Tout
d'abord, ce que je tiens à préciser, c'est que le reportage est à
charge contre les opposants au mariage homosexuel, et forcément en
faveur des personnes favorables à ce projet de loi. Il n'y a pas
photo : dans les termes employés, dans les images montrées, dans le
montage, dans le choix des personnes qui témoignent, tout est
orienté en faveur des « couples » homosexuels. On sait
donc très vite où on met les pieds (c'est sans doute l'avantage de
ce type de reportage orienté).
Sur le
reportage lui-même maintenant. Tout d'abord, ça commence par une
vision idyllique de plusieurs familles homoparentales qui se
regroupent pour, selon l'un des hommes interviewés, « que
leurs enfants sachent qu'ils ne sont pas les seuls à vivre cette
situation ».
On peut y
voir plusieurs choses bien sûr et interpréter ces dires de
différentes manières.
Premier cas
: il faut que les enfants se sentent le mieux possible dans ces
familles, donc il faut leur dire que leur situation est « normale ».
Deuxième
cas : Nous avons besoin de nous retrouver entre nous, parce qu'à
l'extérieur, c'est terrible, nous sommes persécutés, il faut donc
rassurer nos enfants et leur montrer que non, nous ne sommes pas des
anormaux, et que tout va bien.
Je sens déjà
les reproches sur cette seconde interprétation, mais c'est vraiment
l'impression que ça m'a donné : « Les pauvres homosexuels
sont franchement persécutés, jusque dans leur désir d'enfant et
leur parentalité, c'est vraiment, vraiment choquant et
inadmissible. »
Ensuite, on
rencontre plusieurs familles homoparentales, un couple de femmes, un
couple d'hommes, des grands-parents d'un enfant élevé par un autre
couple de femmes. On rencontre également un jeune homme homosexuel
qui est soutenu par sa famille qui vit l'homosexualité du fils au
quotidien, qui suit de près les débats sur le « mariage pour
tous » et les manifestations des opposants à la télévision.
On rencontre
aussi Elisabeth Roudinesco, qui est elle aussi favorable au projet de
loi, ainsi qu'une juriste qui explique en quoi le droit est fait pour
aller contre la nature, parce que la nature est cruelle et que le
droit permet de rééquilibrer les choses. Soit.
Ah oui, on
voit aussi un tout petit peu Tugdual Derville, porte-parole
d'Alliance Vita, mouvement opposé au « mariage pour tous »,
et quelques militants dans la rue tentant de mobiliser le péquin
moyen sur cette question. On voit aussi quelques images de la
manifestation du 13 janvier à Paris.
On voit
aussi beaucoup d'images sur les manifestations des homosexuels
réclamant les mêmes droits que les hétérosexuels, mais pas
seulement : il y a des images d'archives de la première Gay Pride
aux USA, des images des rafles à l'encontre des homosexuels dans les
années 50...
L'impression,
là, sur le vif, que me laisse le début du reportage, c'est que les
personnes qui ont tourné et monté ce document présentent sans le
dire les homosexuels en victimes de la société, sur le mode :
« Vous vous rendez compte ? On a voulu les mettre en prison
pour leur orientation sexuelle ! L'OMS en a fait des malades mentaux,
et maintenant, on leur refuse le droit de se marier et d'avoir des
enfants ! Non mais quelle honte !!! »
Bien sûr,
ce n'est pas dit de cette manière, mais les images laissent penser,
et donnent à penser que oui, vraiment, les pauvres homosexuels sont
des personnes comme tout le monde qu'on a martyrisées de tout temps
et qu'il est vraiment temps que cela change.
La suite,
cette série de reportages-interviews de parents homosexuels, que l'on
voit dans leur vie quotidienne, dans leur cadre familial, montre deux
ou trois familles épanouies, avec de jeunes enfants (3 ans pour les
uns, 6 ans pour les autres), qui répètent aux caméra que si, leurs
enfants vont bien, qu'ils sont normaux, qu'il n'y a aucun problème,
qu'il n'y a pas confusion possible parce que ces enfants savent
qu'ils ont deux papas et une femme qui leur a donné la vie, ou bien
deux mamans et un « papa-graine » quelque part.
C'est
tellement beau, c'est tellement harmonieux, que ça donnerait presque
envie de le vivre aussi. Chouette, ça a l'air idyllique, d'avoir
deux papas ou deux mamans, et surtout sans aucun problème ! Alors
ça, ce n'est pas tout à fait vrai (toutes mes excuses, je vais trop
vite) : il y a quand même un gros problème : « En cas de
décès d'Ingrid [la maman biologique], je [la compagne de la mère]
ne suis pas protégée. Ils ne sont pas protégés non plus. »
Ben oui, ça,
pour le coup, c'est quand même un gros souci, un vrai problème.
Mais bon, que voulez-vous, ma pov'dame ! Le désir d'enfant, c'est
tellement fort, hein !
Alors là,
je crois que je commence à comprendre ce qui ne va pas dans ce
« débat » de société. C'est tout simplement que les
« pro » et les « anti » « mariage pour
tous » ne parlent pas du tout de la même chose. Et c'est sans
doute aussi pour cette raison que les positions des uns et des autres
sont totalement irréconciliables.
Dans ce
reportage, on voit clairement des adultes, parents d'enfants bien
sous tous rapports nous expliquer qu'ils aiment ces enfants, que ce
n'est pas du tout un problème pour eux de s'occuper des enfants, de
les aimer, de les éduquer, de leur expliquer la vérité, même à
trois ans, etc. Et que donc si les « anti » ont peur que
les enfants n'y trouvent pas leur compte, c'est ridicule et que ça
dénote simplement qu'ils ont peur de ce qu'ils ne connaissent pas.
Je suppose donc que les auteurs du reportage se sont donné pour
mission de combler cette lacune des « anti mariage pour tous »
en leur prouvant par A+B que :
1-
l'homophobie c'est pas bien
2- qu'il n'y
a pas que les hétérosexuels qui sont aptes à s'occuper d'enfants
3- que les
enfants sont moins bien protégés par la loi dans ces « familles »
que si les parents étaient mariés, et que donc,
4- il faut
absolument donner le droit aux parents homosexuels de se marier. Oh
pas pour eux, ils s'en foutent clairement. Non, pas pour eux, mais pour
protéger les enfants. Parce que ce sont eux qui comptent avant tout,
bien sûr !
Alors là,
il y a quelques petites choses avec lesquelles je suis parfaitement
d'accord :
1-
l'homophobie, non, ce n'est pas bien. L'homophobie, c'est la peur
irrationnelle de l'homosexualité et donc, par ricochet, des
homosexuels. Et cette homophobie conduit au rejet, à la mise au ban
de la société, et donc à la discrimination (qui veut dire traiter
différemment deux choses pourtant semblables [quoique, là, il y a
matière à discussion, mais bon]).
2- Il n'y a
pas que les hétérosexuels qui sont aptes à s'occuper d'enfants.
Bien entendu. Évidemment. Cela va de soi, dirais-je même. Ce n'est
franchement pas compliqué de changer une couche ou de donner un
biberon, de faire à manger pour les enfants, même quand on est un
homme, de transmettre des valeurs à un enfant, de lui donner de
l'affection, de lui raconter des histoires pour l'endormir ou encore
de lui faire un câlin au moment du coucher. Heureusement que ça, ce
n'est pas une question d'orientation sexuelle ! Ce serait quand même
un comble que des personnes normales (parce que je ne pense pas que
les homosexuel(le)s soient des personnes anormales ou porteurs de
« tares » comme j'ai vu certains de mes contacts sur FB
me soupçonner de le faire) ne puissent pas s'occuper d'enfants du
seul fait qu'ils préfèrent coucher avec quelqu'un du même sexe
plutôt qu'avec quelqu'un du sexe opposé. C'est un argument
tellement évident qu'il en devient, pour moi, quasiment ridicule...
En revanche,
les points 3 et 4 me semblent plus sujets à caution.
Pour ce qui
est de la protection des enfants, le fait que les paires
d'homosexuels ne soient pas mariés ne pose dans le droit pas
vraiment de problème, pas plus en tout cas que dans le cas des
familles qui ont vu la disparition de l'un des parents (père ou mère
décédé par exemple) ou dans le cas des enfants nés hors mariage.
Dans tous les cas, les enfants ont droit à la même protection, ce
n'est pas une question de sexualité ou de statut marital des parents, mais bien de
protection de l'enfance. Rien à voir, donc.
Ah si, bien
sûr : en cas de décès de la mère ou du père biologique, que se
passe-t-il ? On peut supposer, puisque l'enfant n'est pas le fils ou
la fille biologique du compagnon ou de la compagne du parent décédé,
qu'il n'a pas de droits et que l'enfant sera donc confié plutôt à
ses grands-parents s'il en a encore, ou bien à une famille d'accueil
si ses grands-parents ont disparu ou sont inconnus (dans le cas d'un
enfant conçu par don de sperme ou d'ovocyte anonyme, ou encore par
mère porteuse). Sauf que je crois bien qu'il existe, dans le droit
français, un principe qui s'appelle « l'intérêt supérieur
de l'enfant », qui veut qu'on examine la situation de l'enfant
et que le juge prenne la décision la plus favorable à l'enfant
lui-même et non pas aux adultes qui l'entourent. Ce qui veut dire
qu'il y a des dispositions dans le code de la famille en particulier
qui protègent l'enfant et lui permettent de vivre avec la personne
qui l'élève, quand bien même cette personne n'aurait pas de lien
biologique avec lui. Et puis, il y a la possibilité pour le parent
biologique de déléguer l'autorité parentale à un tiers, pour
faciliter la vie quotidienne, donc cela ne pose aucun problème pour
l'enfant.
En fait, ce
qui pose problème, ce n'est pas que l'enfant ne soit pas protégé
dans le cas du décès de son parent biologique, mais bien que le
conjoint du parent biologique, lui, n'ait pas la garantie de se voir
confier la garde des enfants qu'il (ou elle) élève avec le parent
biologique. C'est donc un problème d'adultes, et non pas de
protection de l'enfant, il me semble. Et encore, même là, je doute
que ce soit réellement un obstacle, compte-tenu des aménagements
légaux qui ont déjà été accordés par la justice à ces parents, justement pour résoudre ces casse-tête
juridiques que sont les familles homoparentales. Les enfants n'étant
pas responsables des choix et de la vie sexuelle de leurs parents ou
des personnes adultes qui vivent avec eux et les élèvent, le droit
a prévu des solutions dans ces cas-là, toujours dans l'intérêt de
l'enfant. Il y a donc fort à parier que si une mère biologique
meurt dans un accident de voiture, par exemple, la garde effective
des enfants reviendra de fait à la personne qui a élevé les
enfants depuis leur naissance (si le couple a tenu jusque-là), quand
bien même cette personne serait la compagne homosexuelle de la mère
décédée. Je ne vois donc pas où est la question de la protection,
que ce soit celle de l'enfant ou celle du compagnon ou de la compagne
du parent biologique...
Pour le
point 4, j'ai déjà évoqué en partie la question, relative
notamment à la protection de l'enfant. Pour le reste, le mariage,
les couples interrogés ici semblent s'en taper royalement.
D'ailleurs, l'une des femmes le dit très bien : « Si on
obtient le droit de se marier, on planifiera le mariage, et aussi le
divorce, parce que nous avons la tête dure ».
Ça veut
dire quoi, ça ? Si je comprends bien, ça veut dire simplement que
le mariage « protégeant » le conjoint et les enfants
tant qu'il dure, il faut avoir le droit de se marier, mais que du
coup, le mariage est considéré comme une simple formalité
accordant des droits supplémentaires. Comme il est aussi assorti de
devoirs auxquels on n'a pas forcément envie de se soumettre, alors
il reste la solution du divorce. Est-ce que par hasard, la femme qui
a dit ça se rend compte qu'en divorçant, elle « perd »
aussi les droits patrimoniaux que lui accorde le mariage ? Qu'elle se
retrouve alors dans la situation de tous les couples divorcés qui
doivent a priori s'organiser pour la garde des enfants (garde
alternée, garde exclusive, pension alimentaire...) ? Ou bien est-ce
que c'est de la provocation pour dire simplement que le mariage, elle
s'en fiche totalement, et que sitôt obtenu le droit de se marier,
elle usera de ce droit, mais que ça ne changera strictement rien, à
tel point qu'elle pourra divorcer de sa compagne sans aucune conséquence pour elles ni pour les enfants ? Que leur vie continuera exactement comme avant ? Mais quelle hypocrisie !
Bien sûr,
elle fait ce qu'elle veut de sa vie... et notamment de sa vie de
couple. Mais s'il y a bien quelque chose qui me pose problème ici,
c'est le manque de logique. On réclame un droit, mais pour
s'empresser de le mettre aux oubliettes ?
Et on
voudrait nous faire croire, à nous, personnes opposées à
l'ouverture du mariage aux homosexuels, que ça ne changera rien à
la définition du mariage ?
Pour ce qui
est du mariage, encore, si, bien sûr que ça change la définition
du mariage. Le mariage, dans le dictionnaire, c'est l'union d'un
homme et d'une femme en vue de procréer. Comme c'est impossible pour
deux femmes ou deux hommes de procréer ensemble, par définition,
soit leur union ne peut pas être appelée « mariage »,
soit il faut changer la définition du mot « mariage »
pour faire entrer les couples homosexuels dans cette définition. Ce
qu'on peut tout à fait faire, mais alors qu'on arrête de nous dire
que ça ne change rien, puisque ça change la définition même du
mariage. Il faut être un minimum cohérent.
On nous
répond que ça n'enlève pas de droits aux couples hétérosexuels.
Soit. Encore que. Pour ma part, ça me fait quand même bizarre de me
rendre compte que le contrat conclu avec mon mari il y a douze ans,
par le mariage civil, n'aura pas la même teneur que celui que mes
enfants concluront peut-être un jour, mais surtout que celui que mes
contemporains concluront après la promulgation de la loi (si la loi
est effectivement adoptée définitivement), et ce seulement 12 ans
après le mien. Quelle est la valeur de mon propre mariage, si l'État
en change la définition en cours de route ? (je précise qu'il
s'agit d'un simple questionnement, je me trompe peut-être !).
En tout cas,
si, ça change quand même quelque chose, en ce sens que ça change
le sens de la filiation aussi. Parce qu'il faut quand même, à un
moment ou à un autre, arrêter de croire tout ce qu'on nous dit :
dans la mesure où le mariage induit la procréation, il induit aussi
la filiation. Si la définition du mariage change, alors la filiation
change aussi. En autorisant le mariage pour les personnes
homosexuelles, on dit aussi : « la filiation biologique, c'est
de la fiction, ce qui prime, c'est la filiation sociale, celle qui
est issue d'un projet parental. » Alors bien sûr, dans le cas
des couples hétérosexuels, les deux concordent (filiation
biologique et filiation « sociale »). Mais ce n'est pas
le cas dans les couples homosexuels, où la filiation biologique est
simplement impossible. Il faut donc changer la définition de la
filiation. Dans l'interview de douze minutes qui suit le reportage,
une juriste à l'initiative de la lettre cosignée par 170 juristes
alerte sur le changement de sens de la filiation induit par le
mariage pour tous : puisqu'il ne s'agit plus de procréation mais
d'éducation (comme on l'a vu plus haut, les couples homosexuels ne
sont pas plus « manches » que les hétérosexuels pour
éduquer les enfants), alors n'importe qui, n'importe quel éducateur
pourra se prévaloir de cette qualité pour demander à obtenir le
statut de parent de l'enfant. Ce ne sera plus uniquement ceux qui
élèvent l'enfant, mais aussi l'éducateur du périscolaire, la
tante chez qui il va jouer le mercredi, la nourrice à qui l'enfant
est confié, la grand-mère qui va le chercher à l'école, le soir,
etc. Même si c'est sans doute un peu tiré par les cheveux, ce n'est pas totalement absurde quand même. Tout simplement parce
qu'il n'y a pas de raison de limiter la délégation d'autorité
parentale à une seule personne. Et il n'y a pas non plus de raison,
ça existe déjà ailleurs, de limiter le nombre de parents à deux
personnes.
De ce
fait-là, le « mariage pour tous » déstructure bien la
famille, comme le craignent les opposants à cette loi, en supprimant
les repères essentiels à la croissance harmonieuse d'un enfant. Ou
plutôt, il porte en germe cette déstructuration. Parce que bien
entendu, cette conséquence ne va pas se voir immédiatement. Elle ne
deviendra réalité que sur le long terme...
Alors, autre
point soulevé par le reportage : les actes des « parents »,
qui ont été amenés à contourner la loi pour avoir la possibilité
d'avoir des enfants. On a vu ce couple de femmes, « mamans »
de jumeaux de trois ans, et qui sont allées en Espagne pour une
insémination artificielle avec donneur anonyme pour pouvoir
engendrer ces enfants.
Le couple
d'hommes, quant à eux, est allé en Ukraine pour y trouver une femme
qui a donné ses ovules et a porté les jumeaux, moyennant quand même
80.000 € en dédommagement. (à ce sujet, j'ai bien aimé
l'intervention de Mme Elisabeth Roudinesco qui soutient qu'il ne
s'agit pas de l'achat d'un bébé, mais d'un dédommagement pour la
pauvre femme qui met sa vie entre parenthèse pendant neuf mois pour
permettre à un couple d'étrangers d'avoir des enfants. C'est
cynique. D'abord, 80.000 €, c'est une somme incroyablement
importante, c'est la moitié du prix de ma maison, par exemple. Mais
c'est aussi ridiculement bas quand il s'agit de vies humaines.
Comment, d'ailleurs, évaluer le prix d'un enfant ? Alors là, elle
dit qu'il ne s'agit pas du prix de l'enfant, mais d'un
dédommagement... soit, mais alors il s'agit du dédommagement de
quoi ? De neuf mois « perdus » pour cette grossesse ? Et
la mienne, de grossesse, elle est rémunérée à cette hauteur-là ?
Pourquoi je n'aurais pas le droit d'avoir un dédommagement aussi
parce que je suis enceinte ? Ah oui ! Les indemnités journalières
de la sécu ? On est loin des 80.000 €. Les prestations familiales
? Je suis sûre que le père officiellement célibataire des jumeaux
y a droit lui aussi ! Et deux fois, en plus, parce que ce sont des jumeaux, donc ça se cumule !
Alors
s'agit-il d'un dédommagement en cas de problème pendant la
grossesse ? Non, bien sûr, puisque c'est le prix à payer par tous
les couples qui ont recours aux mères porteuses en Ukraine. C'est
donc un tarif de base !
Alors c'est
le prix à payer pour que la femme donne l'enfant qu'elle a porté
dans son ventre, et pour être sûr qu'elle ne voudra pas le garder
une fois qu'il sera né, non ? C'est donc le prix de l'enfant ! Donc
Mme Roudinesco est une menteuse et/ou une hypocrite...
Pour
continuer sur cette question du contournement de la loi en allant à
l'étranger pour une insémination artificielle avec donneur ou une
mère porteuse, il y a quand même autre chose qui me choque, hormis
la question financière : ces « familles » ont contourné
la loi et ne s'en cachent pas vraiment (elles ont témoigné à
visage découvert dans le reportage), ce qui veut dire qu'elles se
sentent suffisamment en sécurité pour des « hors-la-loi »
normalement passibles de peines de prison ou d'amendes quand on a
enfreint ou contourné la loi française. Ce qui veut dire aussi
qu'en France, quand il s'agit d'abus de bien sociaux, de fraude
fiscale... on est susceptibles d'être inquiétés, mais pas quand il
s'agit de la marchandisation d'enfants... Ça aussi, ça me laisse
rêveuse... La loi, elle s'applique pour tous, non ? Elle est la même
pour tout le monde, ou il y en a qui ont des passe-droits et qui
n'ont pas à s'inquiéter des conséquences de leurs actes ? Pourquoi
une telle incohérence dans le droit français ? Pourquoi, quand il
s'agit du vol d'un objet, ou de détournements de fonds dans une
entreprise par exemple, la loi s'applique, mais pas en matière
d'enfants, de PMA ou de GPA, pourtant explicitement interdites dans
le droit français ?
Notre
gouvernement (mais pas uniquement le présent, je veux tout de suite
rassurer les lecteurs de ce billet) est bien tolérant... parce que
vu l'âge des enfants, ce n'est pas sous le gouvernement Hollande
qu'ils ont été conçus, mais sous le ou les gouvernements
précédents. Ce qui laisse supposer quand même une grande tolérance
pour ces pratiques interdites !
Là encore,
ce qui me choque, ce n'est pas que ça existe, mais l'incohérence de
fond, l'illogisme de la chose. Soit c'est interdit, et alors les
personnes qui enfreignent l'interdit sont sanctionnées et la loi
s'applique, soit c'est interdit et les personnes ne sont pas
inquiétées, et alors ça sert à quoi d'avoir des lois ?
La fin du
reportage (oui, j'ai réussi à voir les onze minutes manquantes) est
édifiante. On y rencontre un jeune homme de 30 ans, dont la mère a
divorcé du père il y a vingt ans (l'enfant avait donc 10 ans à ce
moment-là) parce qu'elle était homosexuelle. Ce jeune homme se dit
« normal » en ce sens qu'il a eu dans son adolescence les
mêmes questionnements que les autres enfants de son âge, sur son
identité, sa sexualité, etc. La seule chose qu'il ajoute, et qui
l'a sans doute blessé durant son adolescence, c'est qu'il a dû
faire face au regard des autres et qu'il s'en est sorti en cachant
que sa mère était homosexuelle et qu'il vivait avec deux femmes et
non pas un homme et une femme. Mais qu'en dehors de ça, ça ne
l'empêche pas d'être heureux, d'être épanoui, et d'être
hétérosexuel (ouf, l'homosexualité n'est pas héréditaire comme
les « méchants anti mariage pour tous » semblent le
penser !).
Bon alors
là, je me dis qu'il y a plusieurs problèmes quand même. Non pas
pour ce jeune homme, visiblement bien dans ses baskets, mais par
rapport au discours du reportage. Tout d'abord, les auteurs
reconnaissent que les dernières études françaises datent des
années 1990. Elles sont donc totalement hors-sujet pour ce qui
concerne la situation des enfants vivant aujourd'hui dans les
familles homoparentales (pour ceux qui sont issus de PMA et de GPA
notamment), dans la mesure où ces techniques, si elles existent
depuis Amandine pour la FIV par exemple, ne sont utilisées par de
plus en plus de couples homosexuels que depuis quelques années
seulement. Les enfants qui étaient interrogés dans ces études des
années 1990 étaient donc essentiellement issus de couples hétérosexuels, et
vivaient deux événements difficiles : la séparation de leurs
parents biologiques d'une part, traumatisme pour tous les enfants qui
vivent le divorce, quelles que soient les causes de ce divorce
d'ailleurs, et l'homosexualité de l'un de leurs parents, qui ne peut
pas aller sans poser de questions à l'enfant (et le jeune homme interrogé à la fin du reportage exprime clairement ces
questions d'ailleurs). Donc ces études des années 1990 ne peuvent
bien sûr pas être utilisées aujourd'hui, ni par les « pro »
ni par les « anti » « mariage » pour tous,
parce qu'elles sont biaisées et qu'elles ne correspondent pas à la
réalité d'aujourd'hui.
Mais de la
même manière, il est impossible de se baser sur le témoignage de
ce jeune homme, aujourd'hui adulte de 30 ans, pour dire que les
enfants élevés dans les familles homoparentales n'ont aucun risque
d'avoir plus de problèmes que les autres (notamment des problèmes
psychiques, des souffrances psychologiques, etc.), dans la mesure où
ces enfants (en tout cas ceux du reportage) sont très jeunes (moins
de 10 ans dans tous les cas, et pour la plupart encore dans la petite
enfance). Les seules personnes du reportage qui ont l'air d'avoir
conscience du problème (ou en tout cas qui en parlent) sont les
grands-parents. Pour tous, « pour l'instant », il n'y a
pas de problème lié à l'absence de la mère ou du père. Mais tous
se posent la question de savoir ce qu'il en sera dans l'avenir,
notamment à l'adolescence.
Mme
Roudinesco souligne que les études menées ne servent à rien, si ce
n'est à dire ce qu'on sait déjà, à savoir qu'à milieu égal, les
enfants élevés dans les familles homoparentales n'ont pas plus de
problèmes que ceux élevés dans les familles hétéroparentales. Et
ce pour la simple raison que ce sont des familles socialement
favorisées (ben oui, vous voyez, vous, deux employés au SMIC aller
en Ukraine pour payer une femme 80.000 € pour avoir un bébé ?).
Qu'ils vivent donc dans des milieux aisés, qu'ils sont la plupart du
temps surprotégés, avec des parents plus intelligents que la
moyenne, qui poussent davantage leurs enfants durant leur
scolarité... bref, qui vivent mieux que la moyenne. Ce qui interroge
quand même : au moment de l'ouverture du mariage pour tous à tous,
les personnes homosexuelles issues de milieux défavorisés qui
aujourd'hui ne peuvent pas aller en Espagne pour faire un bébé par
PMA ou louer le ventre d'une femme en Ukraine se verront octroyer le
droit d'avoir des enfants par ces mêmes techniques, en France. Et
vraisemblablement gratuitement sur le dos de la sécurité sociale,
pour ne pas créer une nouvelle discrimination par l'argent, cette
fois entre couples homosexuels. Or Mme Roudinesco dit bien dans ce
reportage que ce qui conduit aux problèmes psychiques, aux
troubles mentaux et aux névroses... c'est essentiellement la pauvreté.
Alors là,
attention. Je ne suis pas en train de dire qu'il faudrait interdire
aux homosexuels pauvres d'avoir des enfants ! Sinon, pour être
logique, il faudrait aussi interdire aux hétérosexuels pauvres
d'avoir des enfants. Je me pose juste une question : si la situation
financière des parents homosexuels protège les enfants de troubles,
de névroses, etc., n'est-ce pas un peu étrange de dire « on
ne peut pas se baser sur ces études parce qu'elles ne disent que des
choses qu'on sait déjà, à savoir qu'à milieu comparable, les
conséquences sont les mêmes ou à peu près » ? Parce qu'en
creux, cela veut dire que, sachant que la pauvreté aggrave la
situation (y compris mentale) des enfants qui en souffrent, on va
créer volontairement des enfants qui vont cumuler un certain nombre
de handicaps : à la situation pécuniaire des parents (pouvant aller
jusqu'à la pauvreté) qui n'est pas de leur faute, loin de là, on
va ajouter un autre problème qui est la privation délibérée, pour
ces enfants, de la présence d'un père ou d'une mère, qui pourrait
ajouter encore à la situation mentale difficile des enfants en question. Donc les
enfants qui auront la chance de naître dans des couples homosexuels
aisés (et qui donc auront aussi ce problème de la privation d'un
père ou d'une mère) seront favorisés par rapport aux autres vivant
dans les familles pauvres.
Vous allez
me dire que c'est pareil pour les familles hétéroparentales. Bien
sûr que c'est pareil : les enfants dans les familles pauvres sont
forcément pénalisés par rapport aux enfants issus de familles
aisées. La différence, c'est que là, on crée par la loi des
situations complexes où on ajoute volontairement une difficulté qui
est l'absence d'un père ou d'une mère. Certains n'y voient pas de
problème majeur pour l'épanouissement d'un enfant. Encore une fois
: bien sûr, puisque les parents homosexuels d'aujourd'hui sont plus
favorisés socialement que ne le seront, en moyenne, les parents
homosexuels de demain, après la promulgation de la loi. Mais
n'est-ce pas faire un pari risqué sur l'avenir de ces enfants, alors
même qu'on en connaît déjà les conséquences sur les enfants
issus de familles hétérosexuelles pauvres ?
Je vais
arrêter là, il y aurait d'autres choses à dire, comme la
conclusion du reportage, qui se termine sur la constatation de la
mère des jumeaux de 3 ans : « Ils [les opposants au mariage
pour tous] vont devoir changer, parce que s'ils ne changent pas
d'eux-mêmes, ils changeront forcément à cause de nos enfants. Nos
enfants ne vivent pas dans des communautés fermées. Demain, nous
serons les parents de Paul ou de Pierre qui invitent les leurs à
venir jouer à la maison. »
J'ai juste
envie de dire : Et alors ? La question n'est pas liée au mariage
pour tous ni à un changement « obligé » des uns au
bénéfice des autres, mais à une simple question de respect de
l'autre. Ce discours de cette femme m'interpelle en ce sens qu'elle
semble trouver normal d'obliger les autres (sous-entendu les
hétérosexuels) à changer et à accepter l'homosexualité comme une
norme. Donc on se trouve là face à un diktat imposé par une
minorité à la majorité. Et pour moi, ça s'appelle simplement de
l'hétérophobie...
Edit : Je trouve particulièrement malhonnête intellectuellement l'intervention de Mme Roudinesco à propos de la question qui lui a été posée sur la santé mentale des enfants élevés dans les familles homoparentales. La question était, si je me souviens bien : "Les enfants élevés dans ces familles sont-ils plus sujets que les autres aux névroses ?"
Sa réponse a été en substance que les études menées sur les enfants élevés dans les familles homoparentales ne sont pas probantes parce qu'elles aboutissent à quelque chose que l'on sait déjà : à savoir que ce qui pose problème, c'est plus la pauvreté que l'orientation sexuelle des parents. Et de faire tout un laïus sur les enfants eux-mêmes, histoire de bien noyer le poisson et de ne surtout pas répondre à la question. Parce que même si ce qu'elle dit est vrai (à savoir que les familles homoparentales sont plutôt aisées dans l'ensemble), il n'en demeure pas moins vrai qu'il existe aussi des familles hétéroparentales aisées. Donc une comparaison entre les deux types de familles est possible et a sans doute été faite. Mais on n'aura pas la réponse à la question de la bouche de Mme Roudinesco. Peut-être que la comparaison n'est pas à son goût ? Peut-être qu'elle montre qu'en moyenne, les enfants élevés dans les familles homo ont plus de difficultés que les autres ?
Allons Amélie ! Ne sois pas mauvaise langue ! Elle a peut-être simplement oublié de répondre ?
Ou bien peut-être aussi que les journalistes n'ont pas fait leur travail comme il fallait et qu'ils n'ont pas posé la question de savoir si, au sein des familles aisées, les enfants élevés par des parents homosexuels sont plus névrosés que les autres ? (Rhôô ! Amélie, tu es incorrigible ! Te voilà en train de suggérer que des gens pourraient ne pas faire leur travail correctement ? C'est pas bien !!!).
Donc nous n'en saurons pas plus...