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On pourrait le qualifier de "fourre-tout",
je préfère le penser... à mon image :
complexe, éclectique, et forcément fait d'un peu de tout.

samedi 9 mai 2015

Toute la vie...



Il y a quelques semaines, il y a eu une polémique autour de la dernière chanson signée Jean-Jacques Goldman pour les Enfoirés, intitulée "Toute la vie". La teneur de la polémique elle-même, je ne m'en souviens plus vraiment, mais cette histoire m'a incitée à me demander ce que disait exactement cette chanson. Et de réfléchir un peu dessus. D'autant que certains événements nous touchant directement m'y obligent plus ou moins...

Les paroles sont plutôt négatives dans l'ensemble. En gros, les Enfoirés (les adultes, à droite dans la vidéo), répondent aux adolescents qui se trouvent en face et qui les accusent d'avoir en quelque sorte bien profité durant leur vie et de leur laisser un monde pourri dans lequel il n'y a que chômage, pollution, violence et sida.
Les adultes répondent que ce qu'ils ont, ils se sont battus pour l'avoir, mais que leur chance, c'est qu'ils sont jeunes et qu'ils ont toute la vie devant eux pour bâtir leur avenir.
Et puis, il y a cette petite "pique" de la part des adultes envers les jeunes : 
"À vous de jouer, mais faudrait vous bouger"

Et c'est là que je "tique" un peu (sur beaucoup d'autres choses aussi (je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'il y a dans cette vidéo, mais certains points soulevés sont intéressants), mais c'est cette seule phrase qui est entrée en résonance avec ce que nous avons vécu et que nous vivons toujours depuis quelques mois maintenant (déjà en germe depuis quelques années, mais particulièrement frappant depuis environ un an ou deux).

Mon mari est viticulteur et, depuis maintenant au moins six ou sept ans, il emploie un apprenti qu'il forme à son métier, un travail où on est dehors, au grand air, mais qui peut être physiquement difficile à certains moments (comme quand il faut tailler les vignes, arracher le bois mort pour permettre aux nouvelles branches de pousser, ou encore lier les jeunes pousses pour leur donner l'arcure adéquate ou retirer les rejets au pied des plants pour éviter qu'ils n'étouffent... sans parler des vendanges). Un métier physique, en contact avec la nature, dans lequel certains peuvent s'épanouir... à condition de "se bouger" un peu quand même et de ne pas rechigner à la tâche.

Or, qu'est-ce qu'il se passe depuis un peu plus d'un an ? Les jeunes qui défilent (parce que c'est vraiment ça à certains moments) ne "tiennent" pas longtemps. Mon mari les fait venir, sur leur demande, pour des essais d'une semaine, histoire de savoir si c'est vraiment dans ce métier qu'ils veulent faire leur apprentissage.
Les deux derniers n'ont pas tenu deux jours. Véridique.
Alors oui, c'est un travail difficile et exigeant, on est dehors par tous les temps ou presque (faut pas pousser non plus, ce n'est pas le bagne et quand il pleut trop, on ne peut rien faire dehors alors c'est plutôt sympa d'être dans la cave pour étiqueter les bouteilles ou les mettre en cartons, par exemple, et physiquement, c'est nettement moins dur !). Mais ce qui est en cause, ce n'est pas vraiment la dureté du métier. Sur une journée et demie, c'est un peu difficile à apprécier... Non, ce qui est en cause, c'est quand même la mentalité de ces jeunes. Le dernier a commencé la journée et, à peine arrivé dans la parcelle, a demandé à mon mari s'il savait si "chauffeur de bus, c'est pas moins dur, comme métier, et mieux payé"...
Avec un niveau pareil, on n'est pas rendus, comme disent les petites vieilles en Bretagne...

Alors de qui on parle ? On ne parle pas des jeunes hyper-diplômés qui enchaînent les stages sous-payés (quand ils le sont) et décrochent leur premier CDD à plus de 28 ans. On ne parle pas non plus de ceux qui ont de telles difficultés à l'école qu'une autre orientation que le lycée est impérative et qui, eux, vont trouver sur leur route des institutions susceptibles de les accompagner dans la construction de leur parcours professionnel, quand c'est possible.
On ne parle pas plus de jeunes qui cherchent un travail activement, essuient des refus plus ou moins élégants et remettent le pied à l'étrier tout en faisant des petits boulots en soirée et le week-end parce qu'il faut bien manger.
Non, on parle ici de jeunes qui, à 24 ans, n'ont toujours aucune formation, mais, plus grave, n'ont même aucune idée de ce qu'ils vont bien pouvoir faire de leur vie. L'avant-dernier candidat n'est même pas venu, pour tout dire, parce qu'il a eu un problème de voiture et que sa semaine découverte devait avoir lieu pendant les vacances scolaires, durant lesquelles il voulait passer du temps avec sa fille de deux ou trois ans !
Entendons-nous bien : je considère comme parfaitement louable et même souhaitable qu'un père passe du temps avec sa fille et mette les priorités sur sa famille. Mais justement, la priorité, pour un père qui se respecte, n'est-ce pas de pouvoir nourrir sa famille ? Il semble que cela fait partie de son devoir d'état. Et, pour ce faire, trouver du travail ou se former pour en trouver un plus tard me semble être une priorité. Il ne s'agit pas du tout d'un discours sexiste de ma part (sur le mode "Les hommes au boulot, les femmes à la maison pour s'occuper des gamins") mais bien d'une réalité qui rejoint chacun : quand on a pris la responsabilité d'avoir les enfants, le minimum, c'est de prendre aussi les moyens pour subvenir à leurs besoins (ça tombe tellement sous le sens que je me demande encore comment je peux en arriver à écrire, ici, sur ce blog, de telles banalités. Mais il semblerait que depuis quelques temps, l'enfonçage de portes ouvertes soit devenu une nécessité, tant les évidences semblent ne plus en être... vous m'excuserez donc ces lignes parfaitement inutiles pour toute personne non polluée par le discours politiquement correct et bien-pensant ambiant).

Donc, même si je trouve normal qu'un père prenne du temps avec ses enfants, je trouve quand même regrettable qu'il ne mette pas la priorité sur la recherche d'un moyen de subvenir à leurs besoins. Or l'exemple de ce jeune homme, jeune père de famille, me donne à réfléchir quelque peu sur certains jeunes que mon mari est amené à côtoyer et à former, s'ils tiennent jusque-là. Entre le dernier cité et celui qui hésitait entre viticulteur et chauffeur (avec une nette préférence apparemment pour le métier de chauffeur de bus, jugé plus "cool" et moins fatigant que le métier de viticulteur), il y a une question qui se pose : que recherchent désormais une partie des jeunes gens ?
Est-ce qu'ils recherchent un travail ? Une formation ?
Est-ce qu'ils recherchent un moyen de gagner bien et rapidement de l'argent ?
Dans le premier cas, pour ceux qui n'auront pas pu suivre une scolarité classique (type collège-lycée et études supérieures plus ou moins longues), l'apprentissage est une voie intéressante pour se former à un métier auprès d'un professionnel qualifié et, en général, qui aime son métier et le fait bien. Il ne faut pas oublier que l'apprentissage est assez compliqué pour le patron qui, s'il a, il est vrai, quelques aides financières (réduites à la portion congrue ces derniers temps), doit aussi faire face à la responsabilité de la sécurité de son apprenti et à son incompétence (incompétence 100% normale, puisque le jeune est en formation). De la part de l'apprenti, on peut au moins espérer qu'il se conforme aux règles de sécurité, qu'il arrive à l'heure au travail (l'apprenti n'est plus dans un cadre scolaire mais dans un cadre professionnel et dépend du droit du travail, même si une convention a été passée entre l'école où il est inscrit pour faire sa formation théorique et l'employeur qui a accepté de le former concrètement). et qu'il fasse ce que lui demande son patron.
Dans le second cas, si l'objectif est de gagner rapidement de l'argent (et de préférence beaucoup), il vaut mieux soit être nanti, soit gagner au loto ou, dernière option, se lancer dans le commerce de la drogue ou des armes, c'est plus dangereux mais bien plus lucratif que de monter des murs, faire du vin ou s'échiner sur un toit à remplacer des tuiles.

Malheureusement, il est à déplorer qu'aujourd'hui, de plus en plus de jeunes qui se lancent dans un apprentissage (quand ils arrivent jusqu'à l'inscription au CFA) ne font même plus semblant de s'intéresser au métier qu'ils vont exercer un jour, quand leur apprentissage sera terminé... Nous sommes peut-être tombés sur des charlots ou des fumistes, je ne sais pas, mais à l'exception de trois d'entre eux, tous les autres ont quitté rapidement l'entreprise pour diverses raisons, allant de l'absentéisme à la désobéissance, en passant par le "c'est trop dur, je ne tiendrai pas", j'en passe et des meilleures.
Qu'est-ce à dire ?
Ces jeunes qui n'ont pas leur place à l'école (collège ou lycée) puisqu'ils en sont sortis, mais qui ne font pas beaucoup d'efforts pour apprendre un métier de manière très concrète et immédiate (il n'y a rien de plus formateur, à mon sens, que de faire soi-même sous les directives d'un professionnel), malgré leur apparente bonne volonté, que peut-on faire pour eux ? Sont-ils destinés à l'errance dans les formations professionnelles qu'ils vont rencontrer ou, pire, à Pôle Emploi ?
Certains sont d'une naïveté confondante et expliquent la bouche en cœur qu'ils cherchent un travail pas fatigant et bien payé, sans avoir aucune formation et souvent sans même être capables d'écrire correctement leur langue maternelle (on ne parle même plus de savoir ou non compter, malheureusement). Je me dis que là, ça va devenir quand même très compliqué pour eux de mener à bien un tel projet professionnel. Comment faire valoir financièrement auprès d'un employeur potentiel des compétences que l'on n'a pas ? Comment avoir un métier quand on arrête sa formation après quelques semaines au motif que c'est trop dur ?

C'est quoi, le problème ? 
La motivation ? Pour certains, la motivation est là, et bien là. L'un des jeunes qui avait demandé à faire un stage découverte avait appelé plusieurs fois l'entreprise familiale pour s'assurer qu'il pouvait venir, qu'on le prendrait bien pour une semaine, parce qu'il voulait absolument commencer une formation à l'automne prochain. Il a tenu 24 heures.
Je me demande si une partie du problème ne vient pas d'une certaine idée du travail, véhiculée depuis quelques années maintenant, sur le mode "Je travaille mes 35 heures et je me la coule douce le reste du temps et je peux en plus demander une augmentation parce que les patrons, c'est tous des riches avec des des salaires de ouf".
Je ne suis pas certaine que ce soit de la paresse. J'ai de plus en plus l'impression que ces jeunes en déshérence, on leur a vanté une société de loisirs dans laquelle tout est facile, à portée de mains, de tweet et de clic et où il suffit de demander pour obtenir. Seulement, le retour à la réalité, sur le terrain, est parfois brutal. Passé 25 ans, l'apprentissage n'est plus possible. Le jeune tombe alors dans le RSA, encore doit-il justifier d'une recherche d'emploi. Quant au chômage, les droits financiers qui vont avec ne sont ouverts que si le jeune a un peu cotisé. Sinon, c'est que dalle sauf l'autorisation de... chercher du travail, avec l'efficacité qu'on connaît en ce qui concerne l'accompagnement dans la recherche d'emploi par le personnel débordé de l'agence concernée par la question...

Oui, je me demande vraiment si, pour une frange de notre jeunesse, celle qui finalement paie le plus lourd tribu au chômage, le fond du problème ne vient pas du fait qu'ils ont cru en ce monde de loisirs qu'on leur a vendu, où tout est dû et tout est facile...
On peut s'amuser à chercher les responsables : les parents ? Les enseignants ? Les politiques ?
La question restera stérile tant que les jeunes en question n'auront pas simplement pris la mesure de leur propre responsabilité dans cette galère : "À vous de jouer, mais faudrait vous bouger"...

(pour le coup, j'aimerais vraiment, quand je vois ces jeunes paumés en recherche de stage, avoir autre chose à leur dire que ça...)

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