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vendredi 21 février 2014

Quand la loi encourage la délinquance...

J'avais intitulé ce billet "Politique familiale ?", mais finalement, je l'ai changé, parce que ça me paraît plus juste comme ça, vous allez comprendre pourquoi.

La loi Taubira, comme on ne nous l'avait pas annoncé (parce qu'on nous avait bien dit que "ça ne changerait rien du tout pour les couples hétérosexuels, ça ne ferait que donner les mêmes droits aux couples homosexuels"), va avoir des répercussions en chaîne plutôt inédites et assez complexes, par exemple pour la CAF. Mais pas uniquement.

Récemment, il m'a été rapporté le cas de deux femmes qui se sont mariées en cet automne 2013, selon la loi qui leur en accorde désormais le droit. Toutes les deux sont enceintes actuellement, suite à deux fécondations artisanales effectuées à domicile par une de leurs amies infirmière. Le donneur étant l'ex-compagnon de l'amie infirmière en question.
Ça va, jusque là ?
Attention, il vaut mieux suivre, parce que ça va quelque peu se corser.

Le donneur étant le même pour les deux femmes, les bébés ont donc le même père, mais pas la même mère (un peu comme dans le cas d'un adultère, donc). Mais, ô joie, ô bonheur pour les deux futures mamans (mariées, je le rappelle), le "père" biologique a accepté de ne pas reconnaître les enfants comme étant les siens ! Ouf, elles vont donc pouvoir, chacune, adopter le bébé de l'autre ! Chouette, les enfants vont donc vivre avec leurs deux "parents". Jusque là, tout va bien, me direz-vous.

Une fécondation par PMA, ça ne marche pas toujours en laboratoire. Et a priori encore moins souvent quand il s'agit de la méthode artisanale. Sauf que là, ça a marché. Et très bien même. Et deux fois, même. À deux semaines d'intervalle pour les deux femmes. Donc, me direz-vous, tant mieux pour elles : elles vont pouvoir assouvir leur désir d'enfants et devenir mères toutes les deux, quasiment en même temps ! Youpi !

Ce "couple" (désolée, j'ai encore beaucoup de mal avec le terme "couple" quand il s'agit de deux personnes du même sexe, mais, promis, je vais essayer de m'y faire) va donc se retrouver parent de deux enfants, quasiment en même temps. En soi, cette situation (arrivée de deux enfants en même temps dans une famille) n'a rien de rare. C'est le cas lorsqu'une famille accueille des jumeaux (ou plus), par exemple, ou plus rarement, quand elle adopte une fratrie.
Sauf que dans le cas d'une adoption, les choses se font par jugement, c'est donc du cas par cas, chaque situation étant exceptionnelle et unique, et après une enquête rigoureuse des services sociaux histoire d'être bien certains que l’État ne confie pas les enfants à des parents incapables, maltraitants ou potentiellement dangereux pour les enfants. Et dans le cas d'une grossesse multiple, un seul membre du couple se retrouve sujet aux suites de l'accouchement, et les enfants ont tous la même mère et le même père.

Mais que se passe-t-il, habituellement, après la naissance d'un bébé ?
- En général, la maman passe quelques jours à l'hôpital, puis elle rentre chez elle avec son bébé et bénéficie d'un congé maternité histoire d'avoir le temps de se remettre physiquement de la naissance (parce que pour avoir accouché 4 fois, je peux vous promettre que ce n'est pas forcément une partie de plaisir). Le congé maternité est justement fait pour protéger la mère durant cette période et lui permettre de se reposer quelque peu avant de reprendre son travail et de confier le bébé à une nourrice ou à la crèche si elle ne peut pas s'occuper de lui pendant la journée.
- En général aussi, le papa prend son congé paternité dans les semaines qui suivent la naissance (les trois jours juste après la naissance et les 11 jours restant dans les semaines qui suivent), histoire d'aider la maman à prendre ses marques avec le bébé. (Dans le cas de "couples" homosexuels, ça pourrait devenir rigolo si les femmes se mettaient à demander des congés paternité parce que leurs épouses viennent d'accoucher ! J'ai hâte de voir ça, tiens !)
- La mère (ou le père selon le choix du couple) perçoit une allocation pour le bébé tout juste arrivé (allocation qui est soumise aux revenus du couple) et ce jusqu'aux trois ans de l'enfant (c'est la PAJE, la Prestation d'Accueil du Jeune Enfant).
- Dans le cas où un autre bébé arrive avant les trois ans du premier, la PAJE s'arrête pour l'aîné et est attribuée pour le second.
- Dans le cas de jumeaux ou plus, la PAJE est versée pour chacun des nouveaux-nés.
Ça, c'est dans les cas "normaux".

Dans le cas de ces deux femmes mariées enceintes en même temps et devant accoucher quasiment simultanément, ces dispositions posent problème parce qu'il y a une impossibilité concrète.
Les deux femmes ont beau accoucher en même temps (à peu de choses près), il ne peut être question ici de parler de grossesse multiple puisque chacune des deux mères ne porte qu'un bébé, que deux grossesses ont été déclarées et qu'il y a bien deux mères différentes pour deux bébés.
La CAF a donc refusé d'attribuer deux fois la PAJE pour ce motif. Mais soyons claire : si ces deux femmes n'étaient pas mariées, elles auraient été considérées par la loi comme mères célibataires (mêmes si elles vivent en concubinage) et à ce titre auraient toutes les deux perçu la PAJE pour leurs enfants. Zut ! Il y aurait donc discrimination entre les mères célibataires et les mères homosexuelles (parce que, soyons honnête, ça ne peut pas arriver à une femme mariée, ce genre de situation). Le "hic", c'est qu'elles ne peuvent adopter chacune l'enfant de l'autre que si elles sont mariées... en gros, entre l'adoption et la PAJE, il faut choisir !
Ce cas pose au passage la question de la place du géniteur dans l'équation. Certes, il a renoncé à reconnaître les enfants... Mais il souhaite quand même que ses enfants sachent qui il est... d'où la question suivante : peut-on avoir trois parents ?

Donc, revenons à notre cas d'école, mariées, ces femmes peuvent être légalement les deux mères d'enfants quasiment jumeaux sans pour autant avoir les mêmes droits que si l'une d'elles avait accouché de jumeaux "pour de vrai".
Diantre. Serait-ce une injustice dans la loi ?

Oui, d'une certaine manière.
Mais en fait... ben non.
Considérons un autre couple, homme et femme (je préfère préciser, parce que ça devient indispensable), qui a entamé, pour cause de stérilité, des démarches d'adoption. L'agrément a été accordé, un bébé leur a été trouvé, et le couple, fou de joie, va chercher son bébé au bout du monde. Et bam, chose bien connue, tout de suite après (et même pendant la démarche d'adoption elle-même), la femme se retrouve enceinte tout à fait naturellement ! Grande joie, bonheur total.
À leur retour avec le bébé, la famille perçoit la PAJE pour l'enfant adopté. Et re-bam, cinq ou six mois plus tard, la maman accouche de leur premier enfant biologique et la PAJE est retirée pour l'aîné et versée pour le second, puisque la PAJE ne peut en aucun cas être versée pour deux enfants de moins de trois ans de la même famille, sauf s'il s'agit justement d'une grossesse multiple. Donc si notre binôme de femmes enceintes simultanément percevait deux fois la PAJE pour les deux bébés, ce serait profondément injuste par rapport à toutes les familles hétéroparentales (qui, elles, ne pourront jamais avoir deux bébés en même temps de deux mères différentes, diantre, mais quelle injustice cruelle !) ayant deux enfants ou plus de moins de trois ans, que ces enfants aient été adoptés ou non d'ailleurs. 
Alors il y a une réponse très simple à cette question et à cette "injustice" : accorder la PAJE pour tous les enfants de moins de trois ans, quelque soit le nombre d'enfants concernés dans la famille. Sauf que ça, ce serait quand même un vrai gouffre financier pour la CAF. Mais une vraie incitation à avoir plusieurs enfants cela dit...

Outre cette question bassement financière je l'avoue volontiers, il y a quand même une autre question importante dans cette histoire, relative à la PMA celle-là. Parce que pour que ces deux femmes soient enceintes, il a fallu qu'elles aient recours à une insémination artisanale avec donneur, pratique interdite et donc illégale en France.
Or ces enfants vont naître en France et seront rapidement adoptés chacun par la mère de l'autre, chacun des enfants ayant donc deux mamans légales (la mère biologique et la mère adoptive). (J'ouvre une petite parenthèse, parce que cette filiation me semble quand même un peu particulière... mi-biologique, mi-adoptive, et un peu "naturelle" aussi, tout en étant parfaitement légale sauf pour la partie "naturelle". C'est pas beau, la vie ?)
Alors je me pose une simple petite question :
Les mamans vont-elles être poursuivies pour avoir eu recours par deux fois à une pratique illégale ?
La logique voudrait que oui, sinon ça n'a pas de sens que le droit reconnaisse une pratique comme illégale. Et on peut, de fait, se demander à quoi ça sert de faire des lois si on n'est pas condamné quand on ne les respecte pas ?
Sauf que les faits montrent que, comme pour les couples qui ont eu recours à la GPA à l'étranger, elles ne seront vraisemblablement pas poursuivies. Je ne cherche pas à voir tout le monde en prison ou passible d'amendes, entendons-nous bien, je me demande simplement quelle est la logique de tout ça. Mais les faits montrent bien qu'il n'y aura pas de poursuites, puisque la ministre de la Justice a écrit une circulaire permettant de donner un certificat de nationalité aux enfants nés à l'étranger par GPA, au motif que les enfants n'ont pas à payer pour les erreurs de leurs parents. Je veux bien, effectivement, que les enfants aient une "existence légale" en France avec leurs deux pères... Sauf que ça ne dédouane pas du tout les pères des responsabilités de leurs actes, que je sache ! Et puis, on pourrait peut-être aussi considérer le fait que ces enfants ne sont pas des "apatrides" dans le sens où ils ont un père (leur géniteur) et une mère (la mère porteuse), même si leurs "parents" ne vivent pas dans le même pays, ni sur le même continent... mais ça, il n'y a pas besoin de passer par la GPA pour se retrouver dans la même situation, il suffit d'être séparé(e) de son conjoint et de ne pas vivre sur le même continent que lui... ce qui n'enlève rien à l'existence légale des enfants et à leur nationalité ! Bref.
Donc, il faut "trancher". Soit la PMA et la GPA sont illégales et le restent, et il faut alors un minimum de cohérence, donc les couples qui y ont recours doivent être condamnés. Soit on ne condamne pas les couples qui ont recours à ces pratiques interdites et illégales en France, et alors il faut les légaliser, donc les inscrire dans la loi sur la famille qui devrait arriver à l'Assemblée au cours de l'année 2015.

Ah oui. Sauf que M. François Hollande a bien dit et redit sur tous les tons que la PMA ne faisait pas partie de ses promesses de campagne et qu'elle ne serait pas dans la loi famille de Madame Bertinotti. Et il a promis qu'il ne serait pas question de la GPA sous son quinquennat. (Bon alors là, j'avoue que je ne sais plus quels sont ses mots exacts, mais c'est plus l'esprit de la lettre que la lettre qu'il faut retenir, entendons-nous bien.)
Ouah ! Quelle fermeté ! (Bon, il n'avait pas promis non plus d'augmenter autant les impôts, il me semble... et il avait promis d'inverser la courbe du chômage, ce qu'il n'a pas fait, alors... je ne sais pas...)
Donc, pas de PMA, ni de GPA. Soit.
Mais pourtant, les "couples" d'hommes et de femmes peuvent se marier. Donc on leur a accordé le droit d'avoir des enfants, de les élever, d'en être responsables conjointement, etc.
Alors ?
Si un couple homosexuel veut rester dans la légalité, que doit-il faire pour avoir des enfants ?
Eh bien... en fait, il n'a pas 36 solutions. Une femme mariée à une autre femme, si elle veut avoir des enfants sans enfreindre la loi, elle va devoir... tromper sa femme ! Mon Dieu ! Et en plus, le pire... avec un HOMME ! Si ! Un comble !!!
Ben zut alors. Dans les articles du Code Civil lus le jour du mariage à la mairie, les époux se promettent quand même fidélité ! Rhâââ !!! Mais c'est pas possible, ça ! (je me mets à la place de la nouvelle épouse de Madame Truc, et je suis super respectueuse de la loi, j'attendais le droit de me marier pour pouvoir avoir des enfants) "Si je veux des enfants, je dois donc tromper ma femme avec un homme ou enfreindre la loi ??? Moi qui suis une citoyenne honnête !!! Et puis alors, ça veut dire quoi, ce Code Civil et ce contrat qu'on m'a demandé de signer ? Ça veut dire que d'entrée de jeu, le législateur sait que pour aller au bout de ma vocation d'épouse, je vais devoir soit renier mon serment, soit enfreindre la loi ???"

Voyons, soyons sérieux. Ça ne tient pas la route une seconde, tout ça, pour une simple question de logique.
Donc la PMA va forcément être autorisée dans la loi famille (parce que sinon, il faut supprimer la notion de fidélité du Code Civil et là, zut, ça va vraiment changer les choses pour les couples hétéros à qui on a promis que non, ça ne changerait rien ! Il ne faut surtout pas faire ça, parce qu'il faut les laisser dans l'illusion que ça ne changera rien du tout pour eux, que ça ne leur enlèvera rien du tout et que ça ne fera que donner les mêmes droits à d'autres qui, les pauvres, n'en ont pas !!!) dans un futur très proche. Ouf. Toutes ces nouvelles mamans n'iront donc pas en prison, heureusement pour leurs enfants !!!

Sauf que... sauf que, du coup, la GPA, ne vous en déplaise, M. Hollande, fera forcément partie du "package". Ben oui, même si vous ne le voulez pas et que vous avez promis que non. Parce que vous avez vous-même érigé en dogme la sacro-sainte notion d'égalité. Si les couples de femmes peuvent avoir des enfants par la PMA, les couples d'hommes, eux, n'ont pas cette possibilité*.
Donc, sauf si vous êtes une femme biologique dans un corps bourré d'hormones mâles et que vous n'avez pas demandé de réassignation sexuelle, vous n'avez, en tant qu'homme, pas d'autre choix (hormis l'adultère, donc) pour être père que la GPA. Ben oui.
Ah, si. Il y a une autre solution, mais elle ne sera au point que dans un peu plus de 40 ans apparemment : les utérus artificiels. Mais bon... 40 ans... autant dire que ce n'est pas pour tout de suite, hein ! Et donc que ça ne règle pas du tout le problème de Xavier et Bruno** qui, eux, veulent un bébé en 2014 après s'être mariés en 2013.

Il y a d'ailleurs une deuxième raison qui fait que la GPA sera forcément autorisée an France, et même sûrement remboursée par la bonne fée Sécurité Sociale (tout comme la PMA d'ailleurs, mais aussi l'avortement pour toutes et la contraception pour les mineures). Après l'inégalité entre les couples d'hommes et les couples de femmes, nous allons avoir droit à l'inégalité entre les couples gays riches et les couples gays pauvres. Pour plusieurs raisons :
- Les gays riches, si la GPA reste interdite en France, vont continuer à aller aux USA ou en Inde pour y louer le ventre d'une femme et acheter à prix d'or à la clinique où il aura été conçu le bébé qu'elle aura abrité dans son ventre, pour eux, pendant neuf mois (je vous rassure tout de suite : la mère porteuse, elle ne percevra pas le "prix d'or" versé à la clinique. Juste des indemnités, cela va de soi). Ce que ne peuvent pas faire les gays pauvres.
- Les gays pauvres vont donc être en droit de demander, si la GPA est légalisée en France, sa gratuité ou son remboursement par la Sécurité Sociale. Parce que, sinon, il va y avoir une sacrée discrimination entre ceux qui ont les moyens et ceux qui ne les ont pas. Et ça, franchement, à l'heure de l'égalité pour tous, c'est juste totalement inacceptable.

Rhôô !!! Ben zut alors ! C'est pas juste, ça. Parce que moi, je voudrais bien avoir une piscine. Mais je n'ai pas les moyens de m'en offrir une. Bon. Si la GPA est autorisée en France et remboursée par la Sécu pour éviter une discrimination honteusement basée sur les disproportions de moyens entre les homosexuels riches et les homosexuels pauvres, je crois que je saisirai la CEDH*** pour que l’État me finance la piscine que je ne pourrai jamais m'offrir. Parce que, sinon, ce serait vraiment trop injuste**** et ***** !

En fait, j'entrevois bien une solution : instaurer un revenu identique pour tous. Égalité pour tous, en matière d'enfants, de vacances, de droits, de prix de l'essence, des denrées alimentaires et des voitures, etc. Elle serait pas belle, la vie dans le monde utopique d'Amélie ?

_________
* En fait, si, mais pour cela, il faut réunir au préalable un certain nombre de conditions : 
- être né fille biologiquement ;
- se sentir garçon, puis homme dans un corps de femme ;
- suivre un lourd traitement hormonal pour devenir un homme et demander un changement de sexe à l’État civil ;
- ne pas demander la réassignation sexuelle, pourtant logique pour changer de sexe à l’État civil (donc rester biologiquement une femme, avec des ovaires et un utérus) ;
- se marier avec un homme qui aime les hommes mais qui accepte que vous soyez une femme dans un corps d'homme, ce qui ne doit pas être à la portée du premier venu quand même.
Ça fait finalement beaucoup de conditions préalables pour un seul "homme", vous l'avouerez !

** Les prénoms ont été changés pour garantir l'anonymat des témoins fictifs.

*** CEDH : Cour Européenne des Droits de l'Homme

**** Et voilà comment un enfant devient un objet. Navrant, hein ?

***** Mode Caliméro : Vous aurez compris que tout ce billet est à prendre au deuxième, voire au troisième degré... quoique...

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